Le discret Lars Petter Nordhaug est venu au Québec avant tout pour appuyer son coéquipier de l'équipe Sky et compatriote norvégien Edvald Boasson Hagen, l'un des deux principaux favoris des Grands Prix cyclistes de Québec et Montréal.

Mais rien n'est jamais scénarisé en vélo. Parfois la porte s'ouvre pour les domestiques. Il faut savoir saisir sa chance. C'est exactement ce que Nordhaug s'est dit quand il s'est détaché du groupe de tête à un peu plus de trois kilomètres de l'arrivée du GP de Montréal, dimanche après-midi. Dans l'oreillette, il a reçu un message clair de Boasson Hagen, resté derrière avec les autres ténors, qui se regardaient à l'ombre du CEPSUM de l'Université de Montréal: «Go!»

Nordhaug ne s'est pas fait prier. Même rejoint par trois coureurs et menacé par une attaque tardive du Russe Alexandr Kolobnev, il a su tirer les marrons du feu dans les 150 derniers mètres pour s'imposer au milieu de l'avenue du Parc. Le Norvégien de 28 ans a ainsi signé la plus importante victoire de sa carrière, à l'image de ses prédécesseurs Robert Gesink (2010) et Rui Costa (2011), qui ont confirmé leur grand potentiel en gagnant sur le mont Royal.

Saisir l'occasion

«C'est vraiment fantastique, a dit Nordhaug. Il y a vraiment de bons coureurs ici, super forts. Et aussi avec tous ces partisans... C'est incroyable.»

Pas tant que ça aux yeux de Michael Barry. Le vétéran canadien de 36 ans, qui disputait la dernière course de sa carrière chez lui, disait qu'il fallait garder son coéquipier à l'oeil. Déjà quatorzième à Québec vendredi, après la sortie hâtive de Boasson Hagen, Nordhaug avait simplement besoin d'une occasion de se faire valoir.

«Il était souvent devant dans les classiques des Ardennes cette année, a rappelé Barry, qui a fini 57e. Il a aussi gagné l'étape la plus dure au Tour du Danemark il y a deux semaines. C'est un très bon coureur, mais il n'avait pas confiance en lui au cours des dernières années.»

Ancien spécialiste de vélo de montagne - il a été champion national en 2008 et a remporté la Birkebeinerrittet, célèbre course populaire réunissant plus de 15 000 coureurs - Nordhaug dit croire davantage en lui grâce aux encouragements de Boasson Hagen et à son association avec l'ancien cycliste américain Bobby Julich, qui est devenu son entraîneur personnel l'automne dernier.

«Je le connaissais bien même avant qu'il signe avec notre équipe parce que j'ai souvent été en échappée avec lui, a ajouté Barry. Il marche vraiment bien sur des circuits durs comme ça. On l'a vu aujourd'hui, il peut gagner des courses de haut niveau. Vous verrez, il gagnera encore plus l'an prochain.»

Ça chauffait

Deuxième à deux secondes après une attaque à la flamme rouge qui semblait la bonne, Kolobnev a confirmé sa réputation de coureur toujours bien placé qui ne réussit pas à concrétiser. Le jeune Italien Moreno Moser, 21 ans et neveu de l'ancien champion italien Francesco Moser, a pris le troisième rang, confirmant son statut de grand coureur d'avenir.

«Je ne me souviens de rien du dernier kilomètre, a confié Nordhaug en sortant de la tente de presse. J'ai préféré m'asseoir sur la roue des autres, sachant qu'Edvald s'en venait. Je pensais me faire battre au sprint. Finalement, j'y suis allé... et j'ai gagné.»

Il s'agissait de la centième victoire de la puissante formation britannique Sky, fondée il y a trois ans et qui a tout balayé cette saison, incluant le Tour de France avec Bradley Wiggins. Ironiquement, Nordhaug s'en va chez les Néerlandais de la Rabobank la saison prochaine, où il aura plus l'occasion de jouer sa carte personnelle. C'est déjà bien parti.