L'Australien Simon Garrans a remporté le Grand Prix cycliste de Québec, vendredi, devançant au sprint, au bout de 201,7 kilomètres de dur labeur, le Belge Greg van Avermaet (BMC).

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Après le Français Thomas Voeckler (2010) et le Belge Philippe Gilbert (2011), le Grand Prix cycliste de Québec a couronné un autre champion national d'envergure, l'Australien Simon Gerrans, hier après-midi.

Au terme d'une épreuve largement animée par les coureurs locaux, bien à leur place dans ce peloton international relevé, Gerrans a devancé dans l'ordre le Belge Greg Van Avermaet et le Portugais Rui Costa, qui défendra son titre à Montréal demain.

Gerrans s'est ainsi offert un troisième succès cette année sur le World Tour après ses victoires de début de saison au Tour Down Under et à Milan-San Remo, l'un des cinq «monuments» du cyclisme.

«C'est une victoire importante pour moi», a dit le puncheur de 31 ans dont le palmarès inclut aussi une victoire d'étape dans chacun des trois Grands Tours. «Ça réaffirme à quel point ma saison a bien été. C'est une chose de bien faire tôt dans l'année. Je suis très heureux de pouvoir appuyer cela avec ce résultat.»

Contrer Sagan

Inspiré par son compatriote Gilbert, dont il a appris la victoire d'étape au Tour d'Espagne en pleine course, Van Avermaet a attaqué dans la côte de la Montagne, à trois kilomètres de l'arrivée, avant d'être rejoint par Gerrans dans la côte du Glacis.

Les deux hommes ont uni leurs efforts pour résister au retour du Slovaque Peter Sagan, celui que tous craignaient, dans le long faux plat de la Grande Allée. L'Australien s'est défait du Belge à une centaine de mètres de la ligne.

«C'est fantastique!», a dit Gerrans, qui s'est imposé devant une foule nombreuse et enthousiaste, mais mystérieusement moins imposante que l'an dernier. «C'est l'une des courses les plus difficiles du calendrier. C'est ma deuxième expérience ici. La course de Québec est un peu plus difficile que celle de Montréal. Ce sont des arrêts et des départs toute la journée. Il n'y a pas vraiment d'endroits où récupérer sur ce circuit.»

Toujours troisième à 500 mètres du but, Sagan (26e) s'est fait déborder par un peloton d'une trentaine d'unités, auquel appartenaient Costa (3e à 4 s.), Voeckler (6e, + 4 s.) et le Québécois François Parisien, 10e et premier Canadien.

Payante patience

«C'est le meilleur résultat de ma carrière. C'est très satisfaisant parce que j'ai vécu une année vraiment dure», a confié un Parisien très ému.

Patient, contrairement à ses habitudes, Parisien a été bien servi par le travail de ses équipiers de la formation pro-continentale canadienne SpiderTech-C10. Le jeune Hugo Houle, de Sainte-Perpétue, et l'Américain Lucas Euser ont en effet composé le quart des effectifs de l'échappée principale à huit qui a roulé en tête pendant 120 kilomètres.

Après un premier contre à cinq infructueux dans lequel le héros local, David Veilleux, s'était inséré, Euser, le Russe Gusez et le Néerlandais Leezer, derniers survivants de l'échappée, ont été rejoints par le peloton avec 25 km à compléter.

Langlois, meilleur grimpeur

Bruno Langlois, de l'équipe nationale canadienne, a profité d'un moment de temporisation pour détaler dans la côte du Glacis, le secteur le plus pentu du circuit de 12,6 km, parcouru à 16 reprises. Le Danois Chris Anker Sörensen, 14e du dernier Tour de France, l'a accompagné.

Repris après un peu plus d'un tour en tête, Langlois a néanmoins profité de l'opération pour décrocher le prix du meilleur grimpeur. «Je suis un coureur agressif, a rappelé le vétéran de 33 ans, qui a croisé la ligne 30e. Je suis allé devant et je me suis montré. J'aime mieux faire ça que de me réserver et finir 22e.»

Veilleux heureux

Très attendu après sa brillante victoire d'il y a trois semaines en Italie, Veilleux n'a pas été non plus économe de ses efforts. Veillant aux intérêts de Voeckler, son leader chez Europcar, le coureur de Cap-Rouge a néanmoins été encouragé à jouer ses propres cartes, ce qu'il fit dans le dernier tour en provoquant les choses en tête du peloton sur les plaines d'Abraham. Son coup a fait long feu, mais il n'avait aucun regret.

«Avec la situation de course et le type d'arrivée, je savais que ce n'était pas pour moi, a souligné Veilleux, finalement 28e à 14 secondes. J'ai essayé d'anticiper un peu et de tenter ma chance.»

De retour à la compétition après une fracture à un bras subie il y a un mois et demi, le vétéran Michael Barry a fini 21e. Son coéquipier Edvald Boasson Hagen, l'autre grand favori avec Sagan, est rentré directement au Château Frontenac avec une cinquantaine de kilomètres à faire. Le Norvégien était aux prises avec des maux d'estomac, a expliqué Barry, qui a annoncé sa retraite plus tôt cette semaine.

Hesjedal: les jambes n'y étaient pas

Absent de la compétition depuis les Jeux olympiques de Londres, fin juillet, Ryder Hesjedal a compris bien vite qu'il n'aurait pas les jambes pour rivaliser avec les meilleurs, hier à Québec.

Le gagnant du Giro a terminé à une anonyme 94e place, à plus de cinq minutes du gagnant, Simon Gerrans.

«Je ne me suis pas senti horrible, mais je n'avais pas le véritable niveau nécessaire pour être dans un final comme celui d'aujourd'hui [hier]», a indiqué le coureur de Victoria, le maillot bariolé de sel.

«Les gars devant aujourd'hui sont les meilleurs du monde. Simon Gerrans est un coureur très fort. Ça démontre à quel point le parcours était difficile.»

Dans le dernier tour, au plus fort de la bagarre sur le boulevard Champlain, Hesjedal a préféré lever le pied.

«Après seulement quelques tours, j'ai senti à quel point ce serait dur, a-t-il expliqué. C'était difficile simplement de se positionner à l'avant. J'ai fini quatrième ici en 2010, en poussant toute la journée. Je sais le genre de jambes que ça prend. Elles n'étaient simplement pas là. Sachant cela, je ne me suis pas tué à la fin. J'espère que ça m'aidera à récupérer et que je connaîtrai une meilleure journée, dimanche à Montréal.»

Meilleur Canadien, Parisien revient de loin

François Parisien ne fait jamais les choses à moitié. Il ne fallait donc pas se surprendre quand le cycliste de 30 ans a révélé, en pleine conférence de presse, avoir surmonté une dépression au printemps quand des ennuis à un genou l'ont tenu à l'écart.

«J'ai vécu une année très dure, je suis allé vraiment creux», a confié Parisien, le meilleur Canadien du Grand Prix cycliste de Québec, avec une 10e place hier. «J'ai fait une dépression au début de ma saison avec ma blessure. Il y a eu deux mois où ça n'allait vraiment pas bien.»

En retrait dans la salle de presse, Lorette Lévesque, la mère de Parisien, écoutait son fils. C'était la première fois qu'elle l'entendait verbaliser sur cette période noire. «On avait de gros doutes, mais on a respecté son intimité», a-t-elle raconté un peu plus tard.

«Je suis comme mon père, je suis orgueilleux!» a lancé Parisien, avant de recevoir une chaleureuse accolade de sa mère.

«J'ai mis au monde un chat. Il retombe toujours sur ses pattes...»

Ce ne fut pas facile. Incapable de trouver la source de ses problèmes au genou gauche, conséquence d'une bête chute en trekking à l'automne, et paralysé par les questionnements existentiels, Parisien était «sur le bord de péter une coche».

«Tu te demandes: est-ce que ça vaut vraiment la peine? a relaté le champion national de 2005. Ce sont des questions qu'on se pose. On ne fait pas trop d'argent, on peut quasiment mourir dans les courses. Est-ce que ce serait mieux de retourner sur le marché du travail, à l'école?»

Se reconstruire

Parisien s'est tourné vers l'entraîneur montréalais Paolo Saldanha et une psychologue sportive, qui l'ont aidé à se reconstruire.

Après avoir réglé son mal - des terminaisons nerveuses étaient abîmées -, il a repris la compétition le 1er juin. Le représentant de l'équipe SpiderTech-C10 était un coureur transformé: «Pendant ma réadaptation, j'ai travaillé beaucoup plus sur le plan psychologique que physique. J'ai travaillé sur la "dureté du mental", comme on dit...»

Coureur généreux de ses efforts, mais abonné aux échappées matinales suicidaires, il a appris à se contenir et à cibler ses moments. Ainsi, le mois dernier, il a gagné le Tour d'Elk Grove, en Illinois, avant de terminer quatrième aux Trois Vallées Varésines, une course italienne de haut calibre remportée par son compatriote David Veilleux.

Trois semaines plus tard, le voilà parmi les 10 premiers d'une course World Tour. Tout ça après s'être retrouvé les fesses sur le bitume à la suite d'une glissade sur un bidon dans les premiers kilomètres de l'épreuve... «Ce fut l'année la plus dure de ma vie... et en même temps la meilleure côté cyclisme», conclut-il.