Philippe Gilbert par-ci, Philippe Gilbert par-là. À croire que le Belge est tout seul cette semaine à Québec. Pourtant, malgré son statut officieux de meilleur cycliste sur la planète, il n'est pas arrivé en fanfaron sur la Grande Allée.

Mercredi, en conférence de presse, Gilbert a invité les pronostiqueurs à la prudence, rappelant que sa condition était «quand même moindre» qu'il y a quelques mois, alors qu'il raflait tout sur les classiques ardennaises, gagnait une étape du Tour de France et s'imposait à la classique San Sebastian. À la manière d'Eddy Merckx, son légendaire compatriote, même si la comparaison entre les époques est un exercice forcément hasardeux.

Pour cette première visite au Canada depuis les Mondiaux de 2003, Gilbert a précisé qu'il visait avant tout le premier rang du classement UCI WorldTour. Une place parmi les huit premiers au Grand Prix de Québec (aujourd'hui) ou à celui de Montréal (dimanche) lui permettrait de devancer l'Australien Cadel Evans, forfait pour le reste de la saison. «Malgré qu'il ne court plus, mon seul rival sérieux, c'est Evans», a estimé Gilbert.

Le premier rang mondial demeure «un prix prestigieux» pour lequel Gilbert a promis de se battre «jusqu'au bout» parce qu'il ne sait quand une telle occasion se représentera. «Chaque année, les lois changent à l'UCI. Même nous, on a du mal à comprendre la répartition des points... Il n'est pas dit que j'aurai de nouvelles chances. Je vais jouer cette carte à 100%.»

En un sens, ça pourrait nuire au spectacle... bien que Gilbert ait avoué qu'il aimerait accrocher une 17e victoire à un tableau de chasse déjà bien garni. Il a sa petite idée sur ceux qui risquent de lui causer le plus d'ennuis: les deux «solutions» de la puissante Sky, le Norvégien Boasson Hagen et l'Australien Gerrans, le champion olympique espagnol Samuel Sanchez, «toujours très fort sur les courses en circuit», le Slovène Grega Bole de la Lampre, récent gagnant à Plouay, et, bien sûr, Robert Gesink, tenant du titre à Montréal.

Un circuit «assez dur»

Comme plusieurs coureurs, Gesink s'est préparé en altitude au Colorado, un «grand avantage» aux yeux de Gilbert. «Je n'ai pas la liste sous les yeux et je dois certainement oublier certaines individualités», a précisé l'athlète de Remouchamps. Il aurait peut-être relevé des noms comme Tejay Van Garderen, Ryder Hesjedal, le vieux George Hincapie ou même la jeune sensation Thibault Pinot, coéquipier du Québécois Dominique Rollin à la FDJ. Il y en a d'autres.

Le circuit de Québec (16 boucles de 12,6 km) est quand même «quelque chose d'assez dur» selon Gilbert, qui venait de le découvrir. Une attaque solo dans les derniers kilomètres, sa recette gagnante habituelle, ne sera pas facilement mise en application.

«On revient très régulièrement dans la côte, a rappelé le champion belge. Je pense que ça va faire mal. C'est vrai aussi que le vent va jouer un rôle important. Si, comme l'an dernier, il y a un vent de face à l'arrivée, il sera difficile d'aller seul jusqu'au bout. Il faut adapter un peu la tactique par rapport aux conditions climatiques et aux conditions de course. C'est vrai que le final me convient, mais je ne suis pas le seul. Simon Gerrans, je le répète, est peut-être plus favori que moi sur ce genre de parcours.»

Les réserves de Gilbert sont amplifiées par la composition de son équipe Omega Pharma-Lotto au Québec. Il ne pourra entre autres compter sur son fidèle lieutenant et ami Jelle Vanendert. Simple gestion de personnel à la fin d'une longue saison ou un camouflet suivant l'annonce du départ de la vedette chez BMC?

«Je n'ai pas l'équipe la plus forte du peloton actuel», a simplement indiqué Gilbert, qui n'a pas commenté son transfert sur fond d'acrimonie. «On aura besoin d'aide. On l'a vu à Plouay: on n'a pas été capables d'assumer la course jusque dans les cinq derniers kilomètres, comme c'était le cas avant. On va voir comment ça se passe et j'espère que les coureurs qui ont de l'ambition assumeront aussi le travail.»

Il y en a quelques-uns qui ont dû sourire en prenant connaissance de cet appel à la collaboration.