Paul De Keyser couvre le vélo depuis 30 ans pour le Het Nieuwsblad, quotidien belge qui participe à l'organisation du Tour des Flandres, l'un des cinq «monuments» du cyclisme. Il avoue s'être présenté avec une bonne dose de scepticisme pour le tout premier Challenge sprint, hier après-midi, sur la Grande Allée.

Innovation des organisateurs du Grand Prix cycliste WorldTour, dont l'épreuve principale sera présentée aujourd'hui à Québec, le Challenge sprint est une compétition éliminatoire disputée sur une boucle d'un kilomètre. Les deux premiers de chaque vague passent à la ronde suivante, jusqu'à une finale où le gagnant empoche 6000$.

Le verdict de M. De Keyser? On recommence! «Au début, je me suis dit: qu'est-ce qu'ils vont faire là-bas? Puis, déjà avec la première épreuve réservée aux Canadiens, j'étais en train de m'amuser», a avoué le journaliste, qui préparait un article complet sur l'événement pour sa livraison d'aujourd'hui. Le Flamand y rapportera l'enthousiasme unanime des coureurs et directeurs sportifs interrogés.

Chose certaine, le spectacle a plu aux quelques milliers de personnes qui bordaient la presque totalité du parcours clôturé. L'événement a été pimenté par la prestation de Rémi Pelletier-Roy, un jeune homme de 21 ans, membre de l'équipe Garneau-Club Chaussures. Il a d'abord gagné le Challenge sprint Canada, ce qui lui a donné accès à l'épreuve pro. Il s'est ensuite rendu jusqu'en demi-finale, volant la vedette à ses compatriotes David Veilleux et Dominique Rollin, stoppés en quarts.

«Ça fait toujours un velours, mais je ne veux pas m'enfler la tête avec ça non plus», a réagi l'étudiant en médecine à l'Université Laval, qui rayonnait sous le chaud soleil de fin d'après-midi. «Mais c'est certain que je vais bien dormir ce soir...»

Par moments, l'événement ressemblait à une compétition sur piste. Les coureurs s'épiaient avant de tenter une accélération-surprise dans le faux plat menant à l'arrivée.

C'est d'ailleurs un pistard, le Danois Michael Morkov (Saxo Bank), ancien champion mondial à l'américaine, qui s'est imposé en finale. Il a devancé l'Espagnol Enrique Sanz (Movistar) et l'Australien Simon Clarke (Astana). Le Sud-Africain Robbie Hunter, étiqueté favori par Morkov, s'est fait piéger par l'attaque de Sanz et il a terminé malheureux quatrième.

Morkov attribue une large partie de sa victoire à son expérience en vélodrome. «Ma capacité à récupérer a été la clé. Je récupérais probablement mieux que la majorité des autres gars», a souligné l'athlète de 26 ans, qui ne se considère pas comme un vrai sprinter sur la route.

Clarke a suggéré d'organiser l'épreuve une journée plus tôt, ce qui inciterait toutes les équipes à aligner leur meilleur coureur, sans craindre de saper leurs énergies pour le lendemain. Rollin a d'ailleurs constaté qu'il y en avait «plusieurs» à qui ça ne «tentait pas».

Tous les finalistes prédisaient néanmoins un bel avenir à cette formule inédite, qui plaît au public et qui est bâtie sur mesure pour la télévision. Le Challenge pro était d'ailleurs diffusé dans 65 pays, en direct ou en différé. «Les courses de six heures sur la route peuvent être monotones à certains moments», a souligné le Danois.

M. De Keyser voit un beau potentiel pour un tel événement, qui ne requiert pas de bloquer un centre-ville en entier. «On apporte la course aux gens, a dit le journaliste. Je verrais bien une telle épreuve tenue quelques jours avant les Mondiaux. Pourquoi pas? Pas l'an prochain, mais dans quelques années.»

Ce verdict populaire sonnera comme de la musique aux oreilles de Serge Arsenault, l'organisateur des Grands Prix qui est derrière le concept du Challenge. L'idée l'a frappé «à quatre heures du matin» en pensant aux épreuves de ski-cross, raconte-t-il. Il est persuadé qu'il trouvera une oreille attentive auprès des patrons de l'Union cycliste internationale et du Comité international olympique, «à la recherche de produits nouveaux qui répondent aux exigences modernes, ce qu'on appelle les sports faits pour les médias».

Arsenault rêve d'un circuit mondial urbain de «16 ou 18 étapes» réparties aux quatre coins du globe. Il planifie déjà tenir un Challenge sprint à Montréal l'an prochain.

Maintenant, après ce hors-d'oeuvre indéniablement spectaculaire, les puristes seront heureux aujourd'hui de retrouver le peloton complet pour le deuxième Grand Prix de Québec.