Il était passé 19h quand David Boily a répondu à son téléphone cellulaire dans sa chambre d'hôtel en Suisse.

Il sortait de la table de massage et n'avait pas eu le temps de sauter dans la douche. Il avait parlé à ses parents, sa blonde, et saisissait bien l'ampleur de son exploit. Seulement, comme c'est le souvent le cas après un grand exploit sportif, les émotions n'étaient pas au diapason.

«Pour être franc, je ne le réalise pas encore vraiment», a lancé Boily, mercredi, quelques heures après avoir revêtu le maillot jaune de leader au Tour de l'Avenir, à l'issue de la troisième étape.

Dans le même souffle, le cycliste de Québec a reconnu qu'il venait de réussir «quelque chose d'extraordinaire, de vraiment gros» lors de cette course réservée aux coureurs de 19 à 22 ans et souvent comparée à un petit Tour de France.

Justement: «Tu vois ça aller, c'est comme le Tour de France, a dit le nouveau meneur. C'est le même maillot jaune, le même bouquet, le petit lion qu'on voit à la télé... C'est quelque chose que je n'oublierai jamais, ça, c'est certain. C'est fabuleux. Il n'y a vraiment aucun mot pour le décrire. C'est juste extraordinaire comme c'est le fun.»

Boily a terminé sixième dans un groupe de sept au terme de cette étape accidentée reliant Gérardmer, en France, à Porrentruy, en Suisse. Comme l'Australien Rohan Dennis, leader au départ, n'était pas du lot, le Québécois est passé de la deuxième à la première place. Il détient une priorité de 28 secondes sur Michael Hepburn, un autre Australien, gagnant du prologue, et de 34 secondes sur le Danois Christopher Juul-Jensen. Boily a parlé d'une course nerveuse marquée par une succession d'attaques et disputée dans des conditions presque dantesques, en particulier dans le premier col. Les cyclistes y ont rencontré du froid, du vent, du brouillard et des précipitations. «Je ne savais même pas si c'était de la pluie ou de la neige», a raconté l'athlète de 21 ans.

À une cinquantaine de kilomètres de l'arrivée, il ne restait plus qu'une trentaine de coureurs en tête. Boily a loué le travail de son coéquipier Hugo Houle, qui «a couvert tous les coups possibles».

«Extraordinaire»

«Moi, le seul moment où j'ai attaqué, ç'a été le bon. J'ai été chanceux. Hugo m'a facilité les choses. En montagne, j'avais juste des jambes extraordinaires. C'est fou comme je me sentais bien.»

La sélection finale s'est opérée dans la dernière montée, un col de première catégorie (3,7 km à 9,3%) situé à une quinzaine de kilomètres du fil. Boily, un grimpeur, a basculé troisième pour ne plus regarder derrière. «J'ai vidé les batteries et j'ai roulé à bloc, a-t-il dit. Ç'a été une journée parfaite, je ne peux pas demander mieux.»

Avec l'abandon de trois coéquipiers (Guillaume Boivin, malade, Pierrick Naud et Jamie Riggs), la suite s'annonce néanmoins compliquée. Boily ne peut plus compter que sur Houle (44e au général) et Antoine Duchesne (88e). «On va s'essayer quand même, a promis Boily. Au pire, on s'alliera à d'autres équipes.»

Dominique Perras, entraîneur personnel de Boily, était ému quand il a vu tomber le résultat à Montréal. «Je suis très impressionné, mais pas surpris, a-t-il commenté. Ça fait quand même quelques années qu'on voit qu'il a le talent pour y arriver. Ça reste une performance extraordinaire et l'aboutissement de plusieurs années de travail pour David.»

Boily est le tout premier Canadien à revêtir le maillot jaune au Tour de l'Avenir, dont l'origine remonte à 1961. Le Montréalais Steve Rover avait fini quatrième en 1996.

Le seul autre cycliste canadien qu'on a vu en jaune, c'est Steve Bauer, patron de Boily chez SpiderTech, propulsé par C10. Bauer n'a d'ailleurs pas manqué de souligner l'exploit de son jeune protégé lors de la présentation officielle de l'équipe pour le Grand Prix cycliste de Québec, mercredi après-midi, au Château Frontenac. Il a pu le féliciter en direct dans le cadre d'un échange téléphonique sympathique relayé par les haut-parleurs de la salle de conférence: «J'imagine que tes jambes auraient pu nous être utiles ici, au Québec...»