Tous les mardis jusqu'à la mi-août, La Presse vous propose des portraits de passionnés du vélo. Aujourd'hui: Pascal Richard, patrouilleur à vélo au Service de police de la Ville de Montréal.

Le 13 septembre 2000, le journaliste Michel Auger est criblé de balles, victime d'un attentat devant l'édifice du Journal de Montréal. Le policier Pascal Richard est le premier sur les lieux. Il n'enquête pas sur le crime organisé. Il est plutôt membre de l'escouade urbaine à vélo du Service de police de la Ville de Montréal.

«Je suis parti du coin du boulevard Saint-Laurent et de l'avenue Laurier et j'ai pédalé jusqu'au Journal, se remémore le grand policier, avec un léger accent qui trahit ses origines gaspésiennes. J'ai entendu l'appel qui disait «tentative de meurtre». J'ai mis mon sifflet dans ma bouche et j'ai brûlé tous les feux rouges. Deux courriers à vélo ont décidé de me suivre en voyant que j'étais affolé.»

Le sergent Richard en est maintenant à son 14e été comme policier à vélo. Avec son collègue Sylvain Brousseau, il parcourt les rues et ruelles du centre-ville. Beau temps mauvais temps, le tandem est toujours sur deux roues. La Presse les a suivis lors d'une patrouille. «De nombreux citoyens ne savent pas ce qu'on fait, remarque M. Richard, en entrant dans une ruelle du Quartier des spectacles. Ils pensent qu'on est en punition ou qu'on a perdu notre permis de conduire.»

Des policiers comme les autres

Ils connaissent tous les recoins du centre-ville. «Au départ, nos patrons considéraient nous faire un cadeau pour l'été, se rappelle M. Brousseau. On nous envoyait tout l'été faire des «bye-bye» dans les parcs. Avec les années, on a travaillé pour rendre la discipline plus efficace.»

Derrière une église au toit rouge, ils savent qu'ils vont trouver des itinérants en train de boire de l'alcool. Une vingtaine de minutes plus tard, ils donnent une contravention à un automobiliste qui parle au téléphone cellulaire. «À 120$ d'amende, il va faire attention la prochaine fois», dit le sergent Richard, en remontant sur son vélo. Au coin d'Ontario et Saint-Denis, un véhicule utilitaire sport brûle un feu rouge. Les policiers zigzaguent entre les voitures pour lui mettre la main au collet.

«On ne fait pas que se promener et manger de la crème glacée, ajoute le policier de 37 ans. Je sens l'odeur de la drogue, je vois les transactions lorsqu'elles ont lieu et j'entends les conflits dans les ruelles. Dans une auto avec la radio et les fenêtres fermées, certains policiers passent à côté d'infractions. La seule chose qu'on ne peut pas faire, c'est transporter un détenu.»

Le sergent Richard et l'agent Brousseau font en moyenne une vingtaine de kilomètres de patrouille par jour. Ils ne cachent pas qu'ils ne sont pas très tolérants... «Au centre-ville, on voit beaucoup plus d'incivilités, explique M. Richard. On est toujours arrêtés pour faire une intervention. On pogne tout le monde.»

Cyclistes hivernaux

Les policiers montréalais font partie de l'Association internationale des policiers en vélo de montagne, qui donne les formations et les techniques aux agents. L'an dernier, Pascal Richard et Sylvain Brousseau ont terminé premiers dans les compétitions en équipe de l'organisation.

Depuis une décennie, l'usage du vélo par les corps policiers se transforme. Avec leurs suspensions et leurs pneus à crampons, ils traversent tous les parcs et sautent les trottoirs. Ils utilisent aussi la bicyclette comme obstacle lorsqu'ils sont devant un suspect. Pendant une manifestation, les policiers s'en servent pour contenir la foule. En dernier recours, le vélo peut même devenir une arme s'il est lancé. «On est allé à l'école de Nicolet pour l'inscrire sur le tableau d'emploi de la force», dit Sylvain Brousseau.

Les deux cyclistes sont responsables de la formation des 150 agents à vélo du SPVM. Le service est d'ailleurs le seul en Amérique à rouler en l'hiver. Les entraînements se font parfois directement sur la glace d'une patinoire. Le sergent Richard ne cache pas qu'il souhaite mettre sur pied une unité permanente hivernale. «Ça s'en vient. Pour l'instant, on est dans la rue du mois de mai à septembre. Je dois faire des téléphones pour aller chercher les meilleurs quand il y a des besoins le reste de l'année.»

Avec les embauches massives des dernières années, la moyenne d'âge au SPVM est d'environ 30 ans. La demande est très forte au sein du corps policer pour patrouiller sur deux roues. Pour Sylvain Brousseau, en plus d'être efficace, travailler à vélo demeure une excellente façon de garder la forme. «On évite ainsi d'avoir plus de policiers avec une bedaine!»