Pat McQuaid, le président de l'Union cycliste internationale (UCI), estime que «l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) n'a plus de crédibilité», expliquant pourquoi la fédération a décidé de se passer de ses services pour les contrôles antidopage du Tour de France 2010.

Q: Quelles sont les raisons pour lesquelles vous ne voulez plus travailler avec l'AFLD ?

R: «A nos yeux, ils n'ont plus de crédibilité vu la manière dont ils se comportés avec l'UCI l'an dernier. Il y a un an, j'avais des réunions avec l'AFLD à propos du programme antidopage pré-Tour de France. Ils voulaient avoir des informations permettant de localiser les coureurs qui s'entraînaient en France, ce que nous avons fait quotidiennement. Or on a découvert plus tard que malgré toutes les informations fournies, ils n'avaient procédé qu'à 13 contrôles, dont cinq étaient inutilisables à cause d'un bris de confidentialité. Juste, cela suffisait en soi à montrer le peu de sérieux dans leur approche. Lors du Tour de France, alors que trois de leurs médecins travaillaient avec nous, quelques problèmes sont survenus. J'en ai parlé directement avec l'AFLD, et pour moi, c'était fini. Nous avons découvert après coup que leurs docteurs rapportaient à Paris des petites choses par-ci par-là. Ce qui est correct si effectivement le rapport ainsi fait nous avait été présenté et si on avait pu en discuter. Normalement, une collaboration fonctionne comme cela. Mais avant de le donner à l'UCI, ils ont donné directement leur rapport aux médias. Cela montre qu'il y avait l'intention malicieuse de détruire la crédibilité du programme antidopage de l'UCI».

Q: Que s'est-il passé depuis ?

R: «Nous avons répondu par notre propre rapport, dans lequel nous avons démonté la plupart des points qu'ils avaient soulevés. J'ai dit qu'il était impossible de travailler avec une agence antidopage nationale qui se conduisait ainsi, alors que nous avons de très bonnes collaborations avec d'autres dans le monde. Ce n'était pas la première fois, il y a une longue histoire avec l'AFLD. Comme l'an dernier, ils veulent avoir des informations permettant de localiser les coureurs avant le Tour, ce que nous allons leur donner. Nous n'avons pas de problème avec une agence nationale, y compris l'AFLD, quand elle fait son travail sur son territoire, le clash survient quand elle veut faire le travail d'une fédération internationale».

Q: Que répondez-vous à ceux qui voient cette fin de collaboration comme un déni de transparence ?

R: «Je ne suis pas d'accord du tout. Selon les règles de l'AMA (Agence Mondiale Antidopage, NDLR), si vous avez un contrôle positif sur le Tour ou toute autre course, le résultat parvient à l'AMA et à l'UCI. L'UCI n'a pas d'autres choix que de le traiter. Si elle ne le faisait pas, l'AMA nous demanderait ce qui se passe. C'est la même chose avec le passeport biologique. Notre bilan de l'année le prouve: quand nous avons eu des cas positifs, ils ont été annoncés et nous nous en sommes occupés. Comment être plus transparent ? Nous allons avoir une équipe d'observateurs indépendants de l'AMA. L'AMA est indépendante de l'UCI, et elle va vérifier au jour le jour que tout se fait correctement.»

Q: A propos du passeport biologique, le profil de Franco Pellizotti montrait des anomalies avant le Tour 2009 mais il n'a été accusé de dopage que le 3 mai. Sera-t-il possible à l'avenir de réduire ce laps de temps tout en respectant le processus qui comprend plusieurs consultations des experts ?

R: «C'est difficile car chaque cas est différent. Chaque lot de résultats que les experts voient sont individuels. A partir de là, ils peuvent demander des contrôles ciblés sur ce coureur. Ils peuvent demander plus d'informations sur les tests. Il y a aussi les 30 jours à respecter (le coureur est avisé et a un mois pour s'expliquer, NDLR). Tout cela prend du temps. Mais dans le cas de Pellizotti, il savait depuis un bon moment qu'il était suspecté, qu'on travaillait sur son cas et que ses paramètres sanguins étaient anormaux. Deux mois plus tôt, il avait reçu une lettre lui demandant d'expliquer pourquoi ses paramètres étaient à la limite. L'annonce de son cas n'avait rien à voir avec le fait que le Giro débutait cinq jours plus tard. Dans le système du passeport, je ne vois pas comment on peut accélérer les choses.»

Propos recueillis par Stéphanie Pertuiset