Après un Tour de France exempt de tout contrôle positif, la guerre fait rage entre l'Union cycliste internationale (UCI) et l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), qui s'accusent mutuellement de manque de rigueur ou d'incompétence dans les contrôles antidopage.

L'UCI a pris comme une déclaration de guerre l'attitude de l'agence française antidopage, qui à une semaine de la présentation du Tour 2010 début octobre, émoustillait la presse en divulguant son bilan, ou plutôt ses critiques, des contrôles effectués en juillet.

Le message sous-entendu fut bien compris: si aucun cas de dopage n'a troublé le Tour en 2009 contrairement à 2008 où l'AFLD était seule maître d'oeuvre des contrôles, c'est la faute de l'UCI, qui l'avait réduite à un petit rôle de partenaire, et à ses inspecteurs antidopage qui «manquent de professionnalisme» et avaient accordé «un traitement de faveur» à l'équipe Astana du vainqueur Alberto Contador et de Lance Armstrong, septuple champion et troisième cette année.

Faux, rétorque l'UCI dans une réponse de 12 pages dont l'AFP a eu copie. «Astana n'a absolument pas bénéficié d'un traitement privilégié, sauf par le fait que ses coureurs ont été soumis à un plus grand nombre de contrôles que les autres». Selon elle, «les meilleurs coureurs d'Astana ont subi trois fois plus de contrôles que la plupart des autres coureurs», soit 13 pour Armstrong.

Non, ils ne furent pas systématiquement les derniers à être contrôlés le matin, mais une seule fois. Non encore, aucun des 762 tests pratiqués durant le Tour n'a été mis en péril parce qu'il a été mal conservé, comme le pointait l'AFLD.

ASO prise entre deux feux

Non toujours, cela n'est pas contrevenir aux règles que de donner plus d'une demi-heure après une étape aux coureurs qui ont des obligations protocolaires pour se rendre au contrôle du moment qu'ils restent sous la vigilance d'une escorte.

Point par point, l'UCI répond aux accusations, renvoie l'AFLD à ses propres manquements, et insiste: «L'UCI ne tolèrera plus cela».

Car, selon l'UCI, «l'AFLD est loin d'être parfaite dans la mise en oeuvre de ses propres activités antidopage». La fédération reproche ainsi à l'agence française d'avoir rendu caducs les contrôles antidopage inopinés de cinq coureurs français avant le Tour, en manquant aux règles basiques de confidentialité.

Elle dit avoir même déjà avisé le président de l'AFLD Pierre Bordry en juin de sa préoccupation «concernant la manière peu fiable dont les médecins de l'AFLD remplissaient leur rôle».

«Plusieurs courses internationales de l'UCI ont été faites sans des contrôles antidopage adéquats, à cause de l'incapacité de l'AFLD à remplir ses engagements en terme d'envoi de médecins pour mener les tests», souligne l'UCI, qui ajoute que trois autres fédérations internationales - sans les nommer - ont eu aussi de mauvaises expériences avec l'agence française.

La fédération cycliste s'en prend surtout à Pierre Bordry, un président d'agence qui selon elle «a abusé de sa position»: «Le monde du cyclisme n'est pas bien servi par une personne ou une institution, qui comme il apparaît désormais, fait passer son agenda personnel avant son agenda professionnel».

Alors que la secrétaire d'Etat aux Sports française, Rama Yade, souhaitait mercredi voir l'AFLD et l'UCI se rapprocher, les deux instances semblent désormais installées dans leurs tranchées.

Ne voulant plus travailler l'une avec l'autre, l'UCI devra trouver un autre prestataire de services sur le sol français, et Pierre Bordry risque lui de perdre la principale vitrine pour son agence: le Tour de France.

Prise entre deux feux, la société organisatrice du Tour, ASO, a prudemment choisi jusqu'à présent de s'abstenir de commentaire.