Douzième du Giro, Lance Armstrong a utilisé la course en tour de chauffe dans la perspective de la Grande Boucle qui reste son grand objectif de la saison, pour son retour après trois ans d'absence.

Accueilli en star au départ de Venise, l'invité d'honneur du Giro du Centenaire s'est fondu au fil des jours dans le peloton rose. Au fur et à mesure de son relatif effacement sportif, des plus logiques quand l'on prend en compte son parcours des années et surtout des semaines précédentes.

Contraint de remiser ses ambitions pour le podium après sa fracture de la clavicule fin mars, l'Américain a souffert dans les premières étapes du Giro. Il s'est accroché, dans le contre-la-montre par équipes d'ouverture puis dans les Dolomites, pour rester à un niveau honorable, mais à distance des premiers.

Dans la seconde moitié de l'épreuve, Armstrong s'est transformé en équipier de luxe pour son compatriote Levi Leipheimer, lequel est toutefois redescendu du podium convoité par l'équipe Astana.

Le Texan est passé à l'attaque une seule fois, dans la montée du Blockhaus, sans parvenir à accompagner le futur vainqueur de cette 17e étape, l'Italien Franco Pellizotti. Mais, à aucun moment, il ne s'est effondré. Le septuple vainqueur du Tour a tenu son rang dignement.

Bruyneel d'accord

Hors de la course, Armstrong a changé également au fil des jours. Coopératif et disponible au départ, il s'est refermé après la 9e étape à Milan où les coureurs ont mené un mouvement de protestation.

L'Américain, soupçonné d'être l'un des chefs d'orchestre de l'opération, a rejeté l'accusation. Il s'est éloigné des médias qui avaient surabondamment couvert ses premiers pas dans le Giro pour se concentrer sur sa course.

A 37 ans, l'ancien champion du monde est apparu aussi plus sensible au danger, sur les routes italiennes souvent piégeuses.

Dans ses messages quotidiens, il s'est plaint à maintes reprises des risques excessifs des premières étapes. Il a chuté aussi à deux jours de l'arrivée. Mais sans gravité.

A la fin des trois semaines, c'est un homme revenu de loin qui s'est replacé dans la course pour le grand rendez-vous de juillet. Avec quelques raisons d'être satisfait de cette préparation proche de l'idéal pour un coureur qui n'avait plus couru de grand tour depuis l'été 2005.

Johan Bruyneel, son manager qui l'a accompagné dans ses sept Tours de France victorieux, est d'accord: «Dans la perspective du Tour, Lance a atteint le niveau qu'il espérait.»

La victoire à Denis Menchov

Malgré une chute dans le dernier kilomètre, le Russe Denis Menchov a décroché le maillot rose final du Giro du Centenaire, dimanche à Rome, en conclusion d'une 92e édition marquée par son duel avec l'Italien Danilo Di Luca.

Au pied du Colisée, où le jeune lituanien Ignatas Konovalovas s'est adjugé le contre-la-montre final faussé par la météo, Menchov a finalement battu de 41 secondes Danilo Di Luca, grand animateur de la course lancée le 9 mai au lido de Venise.

La presse italienne a rapproché les deux inséparables du Tour d'Italie du fameux marquage à la culotte imposé par Gentile à Maradona dans la Coupe du monde de football 1982. A l'époque, le défenseur italien avait pris le dessus sur la star argentine. Le scénario s'est répété dans le Giro 2009, au détriment une nouvelle fois de l'attaquant.

Trois semaines durant, Di Luca a cherché l'ouverture, multiplié les attaques et sauté sur les occasions. Tourné vers la conquête du maillot rose, il s'est comporté en patron de la course, allié objectif de Menchov par rapport aux autres attaquants, l'Italien Franco Pellizotti, l'Espagnol Carlos Sastre et l'Italien Ivan Basso, qui se sont classés dans cet ordre derrière les deux premiers.

«J'avais dit que ça se jouerait à quelques secondes», a déclaré Di Luca. Mais, par malheur pour lui, sa prodigalité ne lui a pas permis de reprendre le temps perdu dans le long contre-la-montre des Cinqueterre (12e étape), les 60,6 kilomètres déterminants pour la suite.

La visite de Rome

Vainqueur pour la deuxième fois, huit jours après son succès de l'Alpe di Siusi dans les Dolomites, Menchov a eu ensuite l'intelligence de jauger précisément les forces et faiblesses de ses rivaux. A la tête d'une formation Rabobank aux moyens limités, encore plus après la chute dramatique de l'Espagnol Pedro Horrillo, il s'est fixé sur le seul Di Luca.

Leurs autres adversaires ont plafonné (Pellizotti, Basso) ou faibli un jour ou l'autre (Leipheimer, Sastre). Au Blockhaus puis au Vésuve, les deux dernières arrivées au sommet, Menchov a résisté au forcing de Di Luca.

Dans la scénographie toujours spectaculaire mais souvent risquée du Giro, l'incertitude a subsisté jusqu'au dernier jour. Car le ciel a pris un malin plaisir à compliquer le contre-la-montre final (14,4 km) qui visitait dimanche les sites les plus fameux de la capitale, de la Via Veneto au Château Saint-Ange, du Corso au Mont Palatin.

Quelques gouttes de pluie ont transformé en patinoire les pavés des grandes artères romaines. Le Britannique Bradley Wiggins, victime de la météo, a échoué à 1 seconde de Konovalovas, un jeune Lituanien de 23 ans coéquipier de Sastre.

Près de l'arc de Constantin, Menchov a chuté en glissant sur plusieurs mètres. Secouru rapidement par son mécanicien qui lui a tendu un autre vélo, le Russe de Rabobank a finalement précédé Di Luca, auteur d'un départ-canon (5 sec d'avance après 3,3 km) mais débordé dans la seconde partie.

La ligne franchie, Menchov a exprimé brièvement sa rage avant de redevenir posé et réservé comme à son habitude. A défaut d'avoir connu un triomphe digne de l'antique devant la foule italienne acquise à son rival, il peut se flatter d'avoir gagné une édition nerveuse, rapide, indécise. Historique aussi puisque le Giro s'est conclu seulement pour la troisième fois (1911, 1950, 2009) dans la Ville éternelle.