La Britannique Emma Pooley a réalisé un sacré numéro solo sur le mont Royal pour remporter la sixième tranche de la Coupe du monde de cyclisme féminin, samedi après-midi. La Québécoise Joëlle Numainville y a poursuivi son ascension dans le peloton international en prenant le 16e rang, le plus beau résultat de sa jeune carrière.

Pooley a littéralement mené la course de bout en bout, ce qui ne s'était jamais vu au cours des 12 ans d'histoire d'une épreuve que le public, nombreux, semblait retrouver après l'avoir boudée pendant quelques années.

La Britannique de 26 ans a franchi fin seule les 11 boucles de 10 kilomètres en 3h09h09, terminant avec une priorité de 1m14 sur un groupe esseulé de neuf coureuses, réglée au sprint par la Suédoise Emma Johansson, nouvelle meneuse au classement de la Coupe du monde. Trixi Worrack a fini troisième, un premier podium à Montréal pour l'excellente grimpeuse allemande.

Épuisée, la gorge en feu, Pooley a bien failli perdre l'équilibre lorsqu'elle a levé les bras pour célébrer la deuxième victoire de sa carrière en Coupe du monde.

Malgré une avance confortable, elle n'y a véritablement cru qu'à 250 mètres de la ligne, dans le dernier virage sur l'avenue du Parc. «On ne sait jamais. Il peut y avoir une crevaison, une chute. Je suis très bonne là-dedans!» a raconté, en français, l'athlète très allumée.

Bonne grimpeuse mais piètre pilote de son propre aveu, Pooley estime avoir été favorisée par la descente pas très technique du chemin Remembrance, les nombreux virages qui suivent et la quasi-absence de plat, ce qui compliquait l'organisation de la chasse.

Les Nürnberger de Worrack et les Columbia de Judith Arndt ont bien tenté quelque chose, mais elles n'avaient manifestement pas les ressources. Victime de deux fractures cette année, Arndt, deux fois gagnante à Montréal, en était à une première course en huit mois.

«C'est difficile aussi parce qu'il y a des trous dans les rues, a ajouté Pooley, dont l'avance sur le peloton a culminé à quatre minutes. Alors c'est un peu comme en vélo de montagne! Bon, je ne devais pas le dire. Je sais qu'avec l'hiver c'est difficile d'avoir des routes parfaites...»

Habituée des échappées au long cours, Pooley avait obtenu le feu vert de son directeur sportif pour s'envoler dès le coup de fusil. Elle ne croyait jamais se rendre jusqu'au bout et offrir une victoire aussi importante à son commanditaire, Cervélo, un fabricant canadien.

«Les autres filles ont l'habitude de me voir faire ça, mais normalement, elles me rattrapent plus loin, a souligné Pooley, qui a fredonné des chansons dans sa tête pour se distraire de la douleur. Habituellement, je suis une sorte d'agneau sacrifié!»

Huitième à Montréal l'an dernier, Pooley n'est pas n'importe qui. Arrivée au vélo sur le tard, cette ancienne coureuse à pied a gagné la médaille d'argent du contre-la-montre aux Jeux olympiques de Pékin, l'été dernier. La fédération britannique lui avait d'ailleurs fait concevoir une monture spécialement adaptée à sa petite taille de 5'2 et 110 livres.

Elle a également contribué à la médaille d'or de sa compatriote Nicole Cooke à la course sur route.

Bien posée sur sa selle, les bras en équerre, relançant en danseuse à l'occasion, Pooley a servi sur Camilien-Houde une clinique de moulinage que n'aurait pas reniée Lance Armstrong.

Pour la bonne mesure, Pooley est étudiante au doctorat en génie géotechnique à l'école polytechnique de Zurich... ce que n'a pas manqué de souligner Joëlle Numainville, qui ambitionne de mener de front le cyclisme et les études universitaires.

En tout cas, rayon vélo, ça roule pour Numainville. Fraîchement sortie de l'exigeant Tour de l'Aude, en France, elle a réussi la course de sa vie sur le mont Royal. La Lavalloise de 21 ans s'est accrochée dans le peloton de tête pendant la majeure partie de la course, se classant finalement 16e, dans le deuxième groupe, à 4m58 de la gagnante.

«Un top 20, j'aurais jamais cru ça possible», a réagi Numainville, qui s'est arraché le coeur en faisant le yo-yo sur Camilien-Houde à partir de la mi-course. «Je faisais juste pédaler, je regardais par terre et j'espérais revenir. Je n'ai jamais pensé au résultat. Je me disais : allez, une autre montée, let's go ! Je n'avais plus de cerveau!»

Numainville espère maintenant bien se remettre pour le Tour du Grand Montréal, une course par étapes qui s'amorce lundi soir à Châteauguay et qui risque de convenir davantage à ses qualités de sprinteuse.