L'Autriche, longtemps une oasis du dopage en Europe en raison d'une législation laxiste, a entrepris de faire le ménage et de restaurer son image avec une série sans précédent d'arrestations et de révélations dont celles de l'ancien cycliste Bernhard Kohl mardi soir.

L'arrestation de son ancien manageur Stefan Matschiner dans la nuit de lundi à mardi a poussé le coureur, déchu de sa troisième place et de son titre de meilleur grimpeur au Tour de France 2008 pour dopage, à procéder à un grand déballage.

Bernhard Kohl, qui avait refusé de nommer ses fournisseurs d'EPO Cera sur la Grande Boucle, a affirmé qu'il se dopait depuis le début de sa collaboration avec Matschiner en 2005.

La liste des produits que lui aurait fournis Matschiner est impressionnante: EPO, insuline, testostérone et hormone de croissance. Sans oublier une assistance pour du dopage sanguin. Matschiner n'a admis son rôle que pour cette dernière méthode.

Concernant le dopage sanguin, Kohl a précisé qu'il s'était rendu à trois reprises dans le laboratoire viennois Humanplasma, objet d'une enquête qui venait d'être classée sans suite le 24 mars, notamment pour des raisons juridiques.

Kohl a indiqué avoir procédé à une dernière transfusion en septembre 2008, sans en préciser le lieu. Cette dernière est passible de poursuites, l'Autriche ayant durci sa législation anti-dopage en août 2008. La possession et le trafic de produits dopants, qui relevaient auparavant d'une simple amende, sont désormais passibles de cinq ans de prison.

L'Autriche centre du dopage

L'interpellation de Stefan Matschiner est intervenue après qu'il eut été nommément désigné comme un fournisseur d'érythropoïétine (EPO) par la triathlète autrichienne Lisa Hütthaler.

Cible de «soupçons renforcés de trafic de substances dopantes», Stefan Matschiner, 34 ans, présente des «risques de dissimulation de preuves et d'infractions», a précisé le Parquet de Vienne.

Déjà cité dans plusieurs affaires, du scandale de dopage des fondeurs et des biathlètes autrichiens aux JO-2006 à Turin à l'exclusion du Danois Michael Rasmussen du Tour de France 2007 pour s'être soustrait à des contrôles alors qu'il portait le maillot jaune, le manageur n'avait jamais été inquiété.

Son arrestation survient dix jours après un autre coup de tonnerre: l'interpellation de l'ex-entraîneur Walter Mayer, au coeur du scandale de Turin. Il est en détention provisoire depuis le 25 mars.

Jadis lié à Walter Mayer, Stefan Matschiner, un ancien coureur de demi-fond, a toutefois reconnu fréquenter un médecin cancérologue pour enfants, Andreas Zoubek, accusé par Lisa Hütthaler de lui avoir injecté de l'EPO.

Au total, près de 25 personnes sont dans le collimateur du Parquet de Vienne, a indiqué une porte-parole, Michaela Schnell, parlant «d'un véritable réseau».

Impensable il y a encore un an, cette vague d'arrestations a été rendue possible par le durcissement de la législation autrichienne en août dernier.

Première en Autriche dans une affaire de dopage, un sportif, le cycliste Christof Kerschbaum, également lié à Walter Mayer, a été placé en détention pendant onze jours à la mi-mars, soupçonné de trafic.

«L'Autriche a beaucoup souffert d'être perçue à l'étranger comme un centre du dopage. Nous devons corriger cette image», a souligné le ministre de la Défense et ministre des Sports, Norbert Darabos.