Le Tour de France est fini depuis plus de trois mois, mais la traque aux dopés 2008 n'est, elle, pas totalement terminée avec deux nouveaux coureurs, l'Italien Leonardo Piepoli et l'Allemand Stefan Schumacher, débusqués cette semaine.

La lutte antidopage a pris une tournure particulière cette année puisque la brouille de l'époque entre les organisateurs du Tour et l'UCI a rendu l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) responsable des contrôles.

L'Agence, qui a ordonné des prélèvements sur tous les coureurs avant le départ à Brest, a vite trouvé de quoi se mettre sous la dent: sur les 180 engagés, une trentaine présentait des paramètres sanguins anormaux.

«On avait dit: Attention ! Si certains veulent tricher, ça va être très dur. Ils ne nous ont pas cru. Et quand j'ai eu les premiers résultats d'analyse, j'ai dit: Ils sont fous», raconte Jean-Pierre Verdy, le directeur du département des contrôles.

Par lettre, l'AFLD a mis en garde cette trentaine de coureurs sur les risques pour leur santé, manière de leur faire comprendre qu'ils étaient dans le viseur, avant de les cibler lors d'un nouveau contrôle une dizaine de jours plus tard, lors de l'étape du Tour à Toulouse.

Dissuasion

Les paramètres sanguins de certains sont redevenus normaux, l'anormalité d'autres en revanche s'est aggravée.

«Parmi ceux qui se sont normalisés, on avait des coureurs qui étaient favoris au départ, et qui n'ont pas fait grand chose pendant le Tour», souligne le conseiller scientifique de l'AFLD, Michel Rieu. «On peut penser que la dissuasion qu'on avait introduite dans ce domaine-là les a un peu gênés dans leur action. Par contre, ils se sont retrouvés en pleine forme au Tour d'Espagne...»

Privée d'informations de l'UCI, l'Agence réunit des «faisceaux de présomptions», à partir des analyses faites par les laboratoires antidopage de Châtenay-Malabry et de Lausanne, mais aussi des indications de ces propres sources sur le Tour.

Deux fois, des préleveurs se retrouvent face à un coureur sans un poil sur la tête et le corps, même culotte baissée, et les ongles courts, selon M. Verdy. Si des substances interdites retrouvées dans les phanères (ongle, poil, cheveux) ne suffisent pas à convaincre un sportif de dopage, elles peuvent servir en revanche à confirmer une prise régulière.

Selon les plans initiaux, la recherche d'EPO devait démarrer trois jours avant le passage dans les Pyrénées. Mais au vu des premières analyses, elle est lancée dès le départ et les coureurs, ciblés par un contrôle, sont escortés dès la ligne d'arrivée.

L'Espagnol Manuel Beltran est le premier à tomber, contrôlé positif au soir de la première étape, suivi par son compatriote Moises Duenas, à l'issue du contre-la-montre de Cholet.

Tournant

La chute le 17 juillet de l'Italien Riccardo Ricco, vainqueur de deux étapes, marque un tournant. Pour la première fois, des traces de CERA, une EPO de troisième génération nécessitant moins d'injections, sont décelées dans les urines d'un sportif.

Malgré ce progrès, le test urinaire de la CERA est difficilement lisible, et tous les doutes ne sont pas balayés à la fin du Tour.

Après la pause estivale, le laboratoire de Châtenay-Malabry met au point en septembre un nouveau test de détection de la CERA, dans le sang cette fois, ce qui incite l'Agence à relancer une série d'analyses à partir d'un nombre ciblé d'échantillons collectés sur le Tour.

L'Allemand Stefan Schumacher, vainqueur du contre-la-montre de Cholet et porteur du maillot jaune au soir de cette étape, est ainsi rattrapé. Tout comme le lieutenant de Ricco, Piepoli, qui bien avant d'être contrôlé positif avait été licencié par son équipe Saunier-Duval en plein Tour, en même temps que son compatriote.

D'autres noms pourraient encore tomber, le délai de prescription pour une infraction aux règles antidopage étant de huit ans.