De hauts responsables de la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) sont soupçonnés d'avoir soutiré des centaines de milliers d'euros à six athlètes russes dopés en leur promettant une «protection totale», selon une enquête commune du quotidien français Le Monde et de la chaîne de télévision allemande ARD.

«La justice française, indique Le Monde vendredi sur son site internet, enquête depuis un an sur des soupçons de corruption dans l'athlétisme mondial (...) le Sénégalais Papa Massata Diack, fils de l'ancien président de la Fédération internationale (Lamine Diack), promettait depuis fin 2011 une "protection totale"» des dopés contre rémunération.»

Au moins six athlètes russes, selon Le Monde et ARD, ont payé en 2011 entre 300 000 et 700 000 euros chacun pour ne pas être suspendus et pouvoir s'aligner notamment aux Jeux olympiques de Londres en 2012.

Les six athlètes cités sont la marathonienne Liliya Shobukhova, les marcheurs Vladimir Kanaykin, Valery Borchin (or à Pékin-2008), Olga Kaniskina (or à Pékin-2008, argent à Londres-2012), et Sergey Kirdyapkin (or à Londres-2012), et la spécialiste du 3000 mètres steeple Ioulia Zaripova (or à Londres-2012).

Il est à noter que Liliya Shobukova, qui malgré ses paiements s'est retrouvée suspendue par la suite, est à l'origine de la mise au jour du scandale, en demandant le remboursement des sommes versées puisque la protection n'avait pas fonctionné, et en parlant à l'Agence mondiale antidopage (AMA).

La liste des cas d'athlètes russes dopés que l'IAAF aurait pu couvrir, selon la justice, comporte au total 23 noms.

La Fédération russe, furieuse de ne pas avoir ensuite obtenu l'immunité promise, a menacé de dénoncer publiquement ce pacte en 2014. Le Monde et ARD produisent notamment des courriels de Valentin Balakhnichev, à l'époque président de la Fédération russe d'athlétisme, menaçant l'IAAF de tout révéler:

«Permettez-nous de vous rappeler que dès l'origine, le contexte de ces six cas était très éloigné de tout cadre légal et éthique», écrit M. Balakhnichev «En 2011, lorsque nous nous sommes retrouvés face à 19 cas de passeports biologiques anormaux, incluant des champions olympiques et du monde, vous nous avez proposé un marché. Qualifier cela de marché est trop diplomatique. Il s'agissait d'un chantage cynique et cruel».

L'ancien président de l'IAAF Lamine Diack, poursuivi depuis novembre 2015 pour corruption et blanchiment aggravé, est soupçonné dans cette affaire d'avoir reçu un virement de 1,5 million d'euros de Balakhnichev.

«À aucun moment il n'a été question de paiement par des athlètes russes. Jamais je n'aurais demandé de l'argent à un athlète, ou accepté, et c'est la même chose pour Valentin» Balakhnichev, a répondu Lamine Diack, cité par ARD.