Les contrôles positifs de Tyson Gay et d'Asafa Powell ont rappelé le mois dernier que la question du dopage en athlétisme était loin d'être réglée. Mais ces cas ne seraient qu'une goutte d'eau dans l'océan.

À la faveur de l'anonymat, jusqu'à 45 % des athlètes admettent pratiquer le dopage. Et la proportion réelle pourrait même être plus élevée. Voilà les conclusions d'un rapport explosif tenu secret par les autorités de l'antidopage, mais qu'a éventé la presse américaine vendredi.

Selon le New York Times, un groupe de chercheurs a été mandaté en 2011 par l'Agence mondiale antidopage (AMA) pour mener un sondage auprès des athlètes. Un nombre négligeable de sportifs de haut niveau se fait attraper chaque année lors de contrôles antidopage. L'AMA cherchait donc à dresser un portrait plus réaliste du phénomène.

Plus de 2000 athlètes ont répondu de leur plein gré. Lors des Mondiaux d'athlétisme de 2011, 29 % des sondés ont admis s'être dopés au cours de la dernière année. Ils étaient 45% à l'admettre aux Jeux panarabes, la même année.

Les chercheurs, qui se sont confiés sous le couvert de l'anonymat au quotidien américain, notent que ces chiffres pourraient même sous-estimer l'ampleur du phénomène, puisque certains athlètes ont pu mentir. Ils notent par ailleurs que l'AMA, dépassée par les conclusions, tente maintenant de retarder la publication du rapport.

«Ça allait être une question très sensible et ils [l'AMA] avaient besoin de temps pour établir la manière de procéder, quelles seraient les réactions à l'international», a expliqué l'un des chercheurs.

Ces chiffres laissent entendre que le dopage est répandu en athlétisme. «Ils ne me surprennent pas du tout, réagit d'emblée Dick Pound, joint par La Presse. J'ai toujours été de ceux qui pensaient que le dopage était beaucoup plus généralisé qu'on veut bien le croire.»

L'ancien président de l'AMA estime que les autorités de l'antidopage n'en font tout simplement pas suffisamment pour attraper les tricheurs. «Les contrôles ne sont pas efficaces parce que les athlètes s'en foutent, les fédérations internationales s'en foutent, les agences antidopage s'en foutent, dit-il, tranchant. Ils ne veulent que respecter le protocole. Vraiment attraper les tricheurs n'est pas une priorité.»

Selon lui, la présidence actuelle de l'AMA, dont le siège social est à Montréal, manque de mordant. Il reproche au président sortant, John Fahey, d'être trop conciliant avec les athlètes pris pour dopage. «J'avais une approche différente. Mon approche, c'était de croire que les accidents sont très rares, dit M. Pound. Oui, des contaminations peuvent se produire. Mais la plupart du temps, les athlètes savent ce qu'ils font. Ils sont assistés par des professionnels, des préparateurs physiques qui savent vraiment ce qu'ils font.»

Il note aussi que les contrôles positifs ne sont favorables à personne: ni aux athlètes, ni aux pays dont ils portent les couleurs, ni aux commanditaires, pas plus qu'aux fédérations. «On doit vraiment retrouver la motivation de prendre les tricheurs, dit-il. Et on doit faire des contrôles plus intelligents. Sinon la partie est perdue d'avance.»