Yohan Blake a légitimé sa couronne mondiale de Daegu-2011, dénigrée par beaucoup, en battant Usain Bolt pour la première fois à la régulière en finale du 100 m des sélections jamaïcaines (9.75 contre 9.86 avec +1,1 m/s de vent), à un mois des jeux Olympiques, vendredi à Kingston.

Pour tous ou presque, Bolt était le roi légitime, détenteur du record du monde (9.58), champion olympique 2008 et du monde 2009. Une amnésie: le triple médaillé d'or des jeux de Pékin s'était fait éliminer pour faux départ en finale à Daegu et Blake n'était pas un vainqueur quelconque.

Face à un vent de 1,4 m/s et sur piste moyennement rapide, le plus jeune champion du monde de l'histoire avait signé un éloquent 9 sec 92, reléguant son second, l'Américain Walter Dix, à 16/100e.

D'ailleurs, le lendemain, Asafa Powell, le seul jusqu'ici à avoir battu Bolt sur 100 m à la régulière (en 2008) avec l'Américain Tyson Gay (en 2010), avait recadré le débat.

«Blake est bon. Honnêtement avant la finale, je n'aurais su dire qui allait l'emporter. Tout le monde disait Usain, mais je n'en étais pas persuadé, car Blake était dans une meilleure forme», avait expliqué le Jamaïcain, ex-détenteur du record du monde et l'un des trois hommes avec Bolt et Gay à avoir couru plus vite que Blake.

Revenant d'une pause prolongée en 2010 (problèmes au dos), Bolt +la Foudre+ n'était pas dans la forme de sa vie à Daegu. En 2012, il n'a toujours pas retrouvé la flamme de Pékin et de Berlin-2009, taraudé aussi par son départ, au point de critiquer les nouveaux starting-blocks trop petits, à ses yeux, pour ses grands pieds.

Pas dans la même forme

«Il (Bolt) ne m'a pas démontré qu'il était dans la même forme qu'en 2008, a expliqué récemment l'Américain Maurice Greene, champion olympique du 100 m en 2000. S'il est à ce niveau de forme, il va gagner, mais je ne pense pas que ce soit le cas. Il a des problèmes jusqu'aux 65 mètres».

Loin de ces débats, Blake, le jeunot (22 ans) baraqué, n'a jamais prétendu prendre la place de son illustre partenaire d'entraînement, s'en remettant toujours à leur entraîneur commun, Glen Mills. «Mon entraîneur m'a dit que je pouvais le faire et je l'ai cru, a déclaré «The beast», après son succès de Kingston. Maintenant, je suis concentré sur les Jeux olympiques.»

C'est sur les pistes que Blake avait justifié son rang dans la foulée du titre mondial, claquant deux fois 9 sec 82, record personnel sur la ligne droite, par vent nul à Zurich et à Berlin en septembre 2011.

Mais c'est à Bruxelles, le 16 septembre, qu'il avait montré les muscles, avec 19 sec 26 sur 200 m, la 2e performance de tous les temps derrière les 19 sec 19 de Bolt en 2009 à Berlin.

Bolt, qui venait de remporter le 100 m de la réunion belge, était devenu livide en apprenant la nouvelle. Comme s'il avait reçu un direct dans l'estomac, lui qui considère le 200 m comme «son» épreuve.

C'est d'ailleurs sur cette distance, qu'il tentera de prendre sa revanche sur Blake à Kingston (séries et demi-finale samedi, finale dimanche), leur dernier duel avant les JO.

L'onde de choc de la défaite de Bolt s'est propagée jusqu'à Helsinki, théâtre des Championnats d'Europe. «C'est une petite surprise que Blake batte Bolt. C'est l'écart qui est le plus impressionnant. Et ça confirme les problèmes de départ de Bolt depuis sa blessure en 2010», a constaté le Français Christophe Lemaitre, meilleur sprinteur du Vieux continent.

Et avec les chronos récents des Américains Justin Gatlin (9.80) et Tyson Gay (9.86), ou du Trinidadien Keston Bledman (9.86) le 100 m à Londres pourrait «être beaucoup plus serré que les gens pensent», comme le pronostique Greene.