Maternité et sport de pointe ne sont pas antinomiques. La spécialiste des haies Priscilla Lopes-Schliep et l'heptathlonienne Jessica Zelinka tenteront d'en faire la preuve aux prochains Jeux olympiques de Londres. Les nouvelles mamans et super athlètes racontent leur expérience.

Priscilla Lopes-Schliep était enceinte jusqu'aux yeux quand elle a assisté devant son ordinateur à la finale du 100 mètres haies des Championnats du monde d'athlétisme de Daegu, en septembre dernier. Elle a vu l'Australienne Sally Pearson sprinter jusqu'à la médaille d'or avec le temps le plus rapide en près de deux décennies.

Lopes-Schliep a bondi sur son téléphone pour envoyer un message à Pearson, une rivale et amie avec qui elle a partagé le podium aux Jeux olympiques de Pékin: «Tu viens de me rendre encore plus affamée!» Deux semaines plus tard, l'Ontarienne de 29 ans donnait naissance à son premier enfant, Nataliya Ava Lopes.

Un mois et demi plus tard, Lopes-Schliep était de retour sur la piste avec l'idée bien arrêtée de non seulement retourner aux JO pour la troisième fois, mais de s'y présenter avec la forme nécessaire pour monter sur le podium.

«Ce ne sera pas facile, mais je suis prête à relever le défi. Je sais que je suis en mesure de le faire. Alors, bring it on!», a lancé la nouvelle maman lors d'une entrevue téléphonique récente.

Quand Lopes-Schliep a appris qu'elle était enceinte, elle s'apprêtait à reprendre la compétition après une année où elle avait dominé le circuit international. Médaillée de bronze olympique à Pékin, vice-championne du monde, elle avait été couronnée championne de la prestigieuse Ligue de diamant en 2010.

Le couple Lopes-Schliep a accueilli la nouvelle avec joie. Depuis qu'elle s'était fait retirer l'ovaire droit à la suite de l'apparition d'un kyste douloureux en 2007, Priscilla se demandait si elle pouvait tomber enceinte.

Après les félicitations d'usage, certains concluaient automatiquement à la fin de sa carrière sur la piste. «Je répondais: oui, je vais avoir un bébé, mais ce n'est pas comme si c'est la fin du monde! Je vais revenir.»

Elle avait beau plonger vers l'inconnu, l'athlète a demandé sur-le-champ à son agent, le Montréalais Kris Mychasiw, du Groupe Surin, d'acheter des billets à sa famille pour la finale du 100 mètres haies des JO de Londres. Lopes-Schliep s'est entraînée jusqu'à deux semaines avant la naissance de Nataliya. Du jogging léger, de la natation et beaucoup de marche. «Vers la fin, j'allais à la piste deux fois par semaine et à la piscine trois fois par semaine», détaille-t-elle.

Elle a bénéficié d'un suivi médical poussé. Son médecin sportif, la Dre Julia Alleyne, sera responsable de l'équipe canadienne à Londres. Elle a une expertise en activité physique pendant la grossesse.

Depuis la naissance, tout va rondement. Au moment de l'interview, la spécialiste des haies avait repris les séances sprint «tempo» de 100 et 200 mètres. «Je sais que plusieurs femmes n'aimeront pas l'entendre, mais j'ai pris 15 livres pendant la grossesse. Je suis déjà de retour à mon poids prégrossesse. Il me reste à travailler sur mes muscles abdominaux externes pour refermer la cavité. La cavité abdominale interne est officiellement fermée. J'ai reçu les résultats d'une imagerie il y a deux jours.»

Lopes-Schliep est actuellement à Saint-Kitts-et-Nevis pour une période d'entraînement intensive où elle prévoyait recommencer à franchir les haies à pleine vitesse. La clé sera de pousser son corps à la limite du confort. «Sinon, je m'exposerai à des blessures et ça me fera reculer.»

Sa mère l'accompagne dans les Antilles pour s'occuper de Nataliya pendant les entraînements et permettre à Priscilla de récupérer en soirée. À la maison, en banlieue de Toronto, papa Bronson est d'une grande aide. «Il se lève une nuit sur deux et je suis sûre que ça ira en augmentant au fur et à mesure que la saison progressera», dit Priscilla, qui a dû cesser l'allaitement.

Quand les compétitions européennes reprendront, au printemps, elle prévoit voyager sans Nataliya une semaine ou deux à la fois. «Je serai dépendante de Skype 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7...»

Avant de penser à Londres, il lui faudra réaliser les standards de qualification et finir parmi les trois premières aux championnats canadiens. Ce ne sera pas si simple dans cette épreuve, la plus chaudement disputée sur la scène nationale.

L'histoire de Lopes-Schliep retiendra assurément l'attention. Dans le cadre d'un documentaire, le diffuseur olympique CTV a suivi la coureuse lors d'une échographie. Des commanditaires majeurs, qui seront annoncés bientôt, se sont également associés à elle.

Lopes-Schliep affirme ne pas ressentir de pression. «Je m'entraîne le plus fort possible, je fais tout ce que je peux, et il arrivera ce qui arrivera.»