Le sprinteur jamaïcain Usain Bolt est assuré de gagner dimanche à Monaco le titre d'athlète de l'année 2009, du moins dans la catégorie masculine, tant il est l'athlétisme à lui tout seul.

Il se succédera donc après avoir éclaboussé de son talent le cru 2008, serti de trois ors (100/200/relais 4X100 m) et autant de records du monde aux Jeux de Pékin.

Aux Mondiaux de Berlin, en août dernier, Usain «la foudre» a reproduit les mêmes exploits, mais sans record planétaire en relais cette fois.

Vu de Monaco, siège de la Fédération internationale (IAAF), Bolt est une bénédiction, un messie même. N'a-t-il pas sauvé le premier sport olympique il y a deux ans ? L'athlétisme, qui était alors au bord du gouffre, «au fond du trou même» pour certains, avec les affres de l'affaire Balco et les aveux de dopage de l'Américaine Marion Jones.

Lamine Diack, le président de l'IAAF, avait pleuré ses illusions perdues avec Jones et les éminents sprinteurs américains Tim Montgomery et Justin Gatlin, également rattrapés dans la course au toujours plus vite chimique.

Pour M. Diack, Bolt est un fils prodige, qui lui donne même envie à 76 ans de prolonger son mandat à la tête de l'IAAF.

Autant que par ses médailles et records, le grand (1,96 m) Jamaïcain est entré dans une autre dimension grâce à son physique hors norme et une personnalité singulière.

Bolt est actuellement le seul athlète à pouvoir prétendre au titre de sportif universel, comme le fut en son temps le basketteur Michael Jordan.



Âge d'or


Il y a 20 ans, l'Américain Carl Lewis, qui ajoutait la longueur à sa panoplie du parfait sprinteur, fut aussi une icône. Mais c'était l'âge d'or, avec également le perchiste ukrainien Sergei Bubka et ses 35 records du monde, la «locomotive» américaine Michael Johnson, l'Algérien Nourredine Morceli, roi du demi-fond, la gazelle française Marie-José Pérec.

Objectivement, Bolt n'est pas seul sur les sommets. L'Éthiopien Kenenisa Bekele, empereur du demi-fond, se prévaut d'un palmarès unique. Mais il est inconnu en dehors du cercle, en raison aussi de sa réserve.

Ancien président de la Fédération française d'athlétisme (FFA), Jean Poczobut ne pense pas que la primauté du sprint sur les longues distances soit «d'ordre culturel ou sociologique».

«Dans les années 20 et 30, les champions du demi-fond étaient plus en avance côté préparation, d'où l'intêret majeur qu'on leur portait. Les sprinteurs passaient pour de joyeux amateurs», souligne M. Poczobut.

«Plus généralement, lorsqu'il faut choisir entre deux grands champions, l'un du sprint, l'autre du demi-fond, le sprinteur l'emporte. Pour le grand public, l'effort bref c'est plus immédiat, plus compréhensible», juge Sandro Giovannelli, chargé de l'organisation des meetings à l'IAAF.

Reste que Bolt fait briller une monodiscipline, au point qu'on en oublierait les autres spécialités. Et, à moyen terme, ce n'est peut-être pas une bonne nouvelle pour l'athlétisme qui a toujours joué sur plusieurs gammes.