À son retour en Afrique du Sud mardi, la jeune championne du monde sud-africaine du 800 m Caster Semenya a trouvé un pays soudé derrière elle pour dénoncer la polémique autour de son identité sexuelle, du peuple jusqu'au chef de l'État.

Le président Jacob Zuma a fait savoir son «mécontentement» vis à vis de la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF), dénonçant l'«humiliation» dont est victime sa jeune compatriote, âgée de 18 ans.

«Nous tenons à exprimer notre mécontentement face à la manière dont Mlle Semenya a été traitée», a déclaré M. Zuma, qui parlait au nom du gouvernement après avoir reçu au siège de la présidence à Pretoria les athlètes nationaux de retour des Mondiaux de Berlin.

«C'est une chose de faire en sorte qu'aucun athlète ne dispose d'un avantage injuste sur les autres, c'en est une autre que d'humilier en public un honnête professionnel et un athlète compétent», a lancé le chef de l'État.

L'IAAF avait annoncé juste avant la finale du 800 m à Berlin, mercredi dernier, qu'elle diligentait un groupe d'experts pour enquêter sur le genre de la jeune Sud-Africaine.

La nouvelle a scandalisé l'Afrique du Sud, qui s'est rassemblée en quelques jours derrière sa nouvelle championne, symbole d'espoir pour ses dizaines de millions de compatriotes pauvres.

Cette «Fille en Or» a «refusé de laisser la pauvreté dicter sa vie», a souligné M. Zuma, en référence à l'enfance de Caster Semenya dans un village reculé du Limpopo rural.

«Elle a montré au monde que lorsque l'on veut gagner, rien ni personne ne peuvent vous arrêter», a-t-il dit. «Elle a incarné la réussite, le pouvoir et la puissance au féminin.»

«Notre Première Dame du Sport»

Le triomphe au féminin, mis en doute chez Caster Semenya en raison de sa voix grave et de son corps puissant, attendait la jeune athlète à son arrivée à l'aéroport international de Johannesburg tôt mardi, retransmise en direct à la télévision.

«Notre Première Dame du Sport», affirmait une des nombreuses pancartes de bienvenue brandies par une foule de milliers de fans, venus danser et chanter leur soutien. «100% femme féminine», disait une autre.

La solidarité est d'autant plus forte que le pays se découvre enfin de vrais champions d'athlétisme, après une très piètre performance aux Jeux olympiques de Pékin, d'où la délégation sud-africaine n'avait rapporté qu'une médaille d'argent.

Le président de l'Association sud-africaine d'athlétisme, Leonard Chuene, a quant à lui affirmé n'avoir «jamais reçu aucune information selon laquelle les gens mettraient en doute» son genre avant que Caster Semenya ne concourre parmi les adultes.

Les premières mises en cause remontent aux championnats d'Afrique en juillet à l'Ile Maurice, lorsque les performances de la Sud-Africaine avaient stupéfait.

De nombreux partisans dénoncent l'injustice qui lui est faite, alors que le débat sur la zone grise entre féminité et masculinité éclipse la performance de cette toute jeune athlète encore inconnue il y a quelques mois.

«Ils ont attendu le jour de la finale pour décider de la tester», remarque Amo Moroka, un médecin venu à l'aéroport. «C'est l'Afrique du Sud en tant que pays qui est atteinte dans son intégrité.»

Quant à la timide intéressée elle-même, il a fallu que le président de la République lui cède sa tribune pour qu'elle parle enfin.

Et laisse exploser sa joie d'avoir gagner, ignorant la polémique: «J'ai pris la tête dans les derniers 400 (mètres) et je les ai tuées. Elles n'ont pas pu suivre la course. C'était génial !»