Inimaginable il y a un an ! Et pourtant, le navigateur François Gabart (Macif) a réussi dimanche un prodigieux exploit à sa toute première tentative en pulvérisant le record du tour du monde en solitaire en 42 jours.

À 34 ans, le brillant marin français a mis une raclée de 6 jours et 10 heures au record établi par Thomas Coville (Sodebo Ultim') le 25 décembre 2016, ce qui était alors une performance extraordinaire (8 jours de moins que le précédent record).

C'est à 2 h 45 heure française qu'il a coupé la ligne virtuelle entre l'île d'Ouessant (ouest de la France) et le cap Lizard (sud de l'Angleterre) pour arrêter le compteur à 42 j 16 h 40 min.

Quelques minutes plus tard, le skipper a envoyé une vidéo, en mode égoportrait, pour partager le moment où il a franchi, seul, la ligne.

Une lampe frontale, une nuit noire, les traits tirés, Gabart montre l'écran de son ordinateur.

«Le petit bleu c'est nous, la ligne rouge c'est l'arrivée. On devrait couper incessamment sous peu, 30 secondes dit la machine.... Je crois que c'est bon. Voilà», dit simplement Gabart, en essuyant ses yeux.

«Je viens de couper la ligne d'arrivée, c'est assez fou, c'est assez irréel, je suis un peu abasourdi», a-t-il déclaré par la suite, se disant «fier et heureux d'avoir fait ce joli voyage autour de la planète».

Dans le PC course installé à Brest, c'est l'effervescence au passage de ligne. Claude Breton, observateur du bureau d'homologation des records, le WSSRC (World Sailing Speed   Record Council), a annoncé le temps signé par Gabart (sous réserve de vérifications).

«Stratège incroyable»

Parti le 4 novembre, Gabart a réussi un coup de maître à sa toute première tentative. À bord de son bateau nouvelle génération, un maxi-trimaran (30 m de long et 21 m de large, catégorie Ultim) mis à l'eau à l'été 2015, il a filé sur les mers du globe à des vitesses hallucinantes (35 noeuds soit 65 km/h) qu'il a régulièrement tenues.

Il n'a connu aucun pépin, a été guidé par un routage excellent et a bénéficié de très bons enchaînements météo, pour ce qui n'a été que son 2e tour du monde, et le premier en multicoques.

«François surfe sur la vague d'avoir été le premier Ultim nouveau et d'avoir été dans le bon timing. C'est un stratège incroyable. Il avait déjà fait ça sur le Vendée Globe», souligne à l'AFP Coville, qui avait battu le record à sa 5e tentative et après l'avoir chassé pendant 10 ans et avec un bateau beaucoup plus ancien.

Gabart avait en effet enlevé en 2013 la course mythique autour du monde en monocoque, le Vendée Globe, à sa première participation.

À peine avait-il gagné le Vendée Globe que cet ingénieur de formation, qui rêvait de devenir météorologue, s'était déjà projeté sur son nouveau bateau, conçu pour la navigation en solitaire et avec lequel il entendait aller le plus vite possible.

En 2015, il a remporté la Transat Jacques-Vabre en double, en 2016 la Transat anglaise et en juillet dernier The Bridge.

«Passeur»

«Ça ne fait que confirmer qu'il est talentueux, il travaille, il mène bien les projets. Ça fait une jolie prestation pour un premier tour du monde», se réjouit auprès de l'AFP l'un des ingénieurs du bureau d'études de Gabart, Guillaume Combescure.

«Il a montré que c'est possible d'aller encore plus loin, de repousser la machine et l'humain. Il a montré que rêver c'est un bon moteur. Tout est possible», ajoute-t-il.

Pour Christian Le Pape, directeur du pôle course au large à Port-la-Forêt (Finistère) où vit Gabart, le skipper a relié 2 mondes séparés de la course au large: la compétition et les records.

Avant Gabart, aucun des 3 marins ayant réalisé un record du tour du monde en solitaire sans escale - Francis Joyon en 2004 et 2008, la Britannique Ellen MacArthur en 2005 et Coville en 2016 - n'avait remporté de course autour du monde.

«Ce que j'aime dans l'exploit de François c'est que plus que d'autres, il renforce la passerelle entre l'aventure et la compétition de haut niveau. C'est un passeur. Il est le meilleur et quelques années après il devient le plus rapide dans une logique d'aventure», relève Le Pape.

Les records, qui ne sont pas sa tasse de thé, c'est a priori fini pour Gabart.

Ce père de 2 garçons va mettre son bateau en chantier pendant quelques mois afin de le faire évoluer pour le rendre encore plus performant, avec en ligne de mire la première course autour du monde des Ultim. Départ le 29 décembre 2019 à Brest.