Depuis plusieurs semaines aux États-Unis, d'anciennes gymnastes sortent de leur silence et révèlent avoir été victimes d'abus sexuels par des entraîneurs ou médecins dans leurs clubs et même en équipe nationale, mettant directement en cause la Fédération américaine de gymnastique.

John Manly a placé jeudi le Comité olympique américain (USOC) devant ses responsabilités: cet avocat représentant plus de 70 anciennes gymnastes, victimes d'attouchements sexuels, a demandé à l'USOC de retirer son agrément à USA Gymnastics, dont il accuse le président Steve Penny d'incompétence.

«L'USOC a une obligation d'agir, demander la démission de M. Penny n'est pas suffisant. Cette fédération a perdu toute crédibilité en matière de protection de l'enfance, elle doit faire son mea culpa et être réorganisée de haut en bas», a indiqué l'avocat dans un courrier publié le jour de la réunion trimestrielle du conseil d'administration du Comité olympique américain.

«L'ensemble de la direction d'USA Gymnastics est responsable de cet échec. Si les viols de centaines d'enfants, rendus possible par l'indifférence d'une institution, ne justifient pas un retrait d'agrément, qu'est-ce qui le justifie alors ?», s'est interrogé M. Manly.

Le Comité olympique américain a assuré jeudi soir à l'issue de son conseil d'administration que le dossier USA Gymnastics avait été «discuté longuement et avec beaucoup d'attention»: «Nous nous sommes entretenus avec le président d'USA Gymnastics et nous lui avons fait part de nos recommandations, nous attendons sa réponse au plus vite», a déclaré Larry Probst, le président du Comité olympique américain qui n'a pas souhaité donner la teneur de ces recommandations.

368 victimes

«Nous n'avons pas discuté l'option d'un retrait d'agrément», a-t-il toutefois ajouté.

Cette affaire a débuté en décembre lorsque le journal Indianapolis Star, après neuf mois d'enquête, avait révélé que 368 membres, enfants et adolescentes, de clubs affiliés à la fédération de gymnastique avaient été victimes d'agressions sexuelles au cours des vingt dernières années.

L'Indianapolis Star a depuis eu accès, après avoir saisi la justice, à des documents internes d'USA Gymnastics, montrant que des entraîneurs, reconnus coupables d'agressions sexuelles, avaient continué à travailler au sein de clubs après leur condamnation.

Le mois dernier, les téléspectateurs américains ont pu mettre des visages sur les victimes: trois anciennes membres de l'équipe des États-Unis ont témoigné à visage découvert dans l'émission «60 minutes» sur la chaîne de télévision CBS.

Parmi elles, Jamie Dantzscher, médaillée de bronze dans l'épreuve par équipes des JO-2000 qui a accusé le docteur Lawrence Nassar, déjà dans le collimateur de la justice.

Climat de peur

«Je l'ai consulté pour des douleurs dans le bas du dos (...) Il introduisait ses doigts dans mon vagin et faisait bouger ma jambe avec son autre main. Il disait que j'allais entendre un bruit, cela voudrait dire que ma hanche avait été remise à sa place et que cela soulagerait mon dos», avait expliqué Jamie Dantzscher.

Le docteur Nassar, qui a quitté l'encadrement médical de l'équipe des États-Unis, a été inculpé le mois dernier par un tribunal du Michigan d'agressions sexuelles, notamment sur des jeunes filles âgées de moins de 13 ans. En décembre dernier, il avait été inculpé pour possession de 37 000 photos et vidéos pédopornographiques trouvées sur des disques durs lui appartenant.

L'une des figures de proue de la gymnastique américaine, Dominique Moceanu, championne olympique 1996 par équipes à 14 ans, a dénoncé la «négligence» de la Fédération.

«Le président de la fédération a ignoré toujours et encore ce sujet», a-t-elle regretté.

Si elle n'a pas été victime d'agressions sexuelles, la plus jeune championne olympique de l'histoire de la gymnastique, aujourd'hui âgée de 35 ans, a dénoncé le climat de peur instillé par les entraîneurs et les violences morales pour décrocher titres et médailles».

«On a privilégié les réputations d'entraîneurs et l'argent, au détriment du bien-être des gymnastes», a-t-elle regretté.