Au Canada, ils sont dans une classe à part. Et ils se rapprochent de plus en plus des meilleurs du monde. Depuis quelques années, Michel Lemay et ses trois fils, parachutistes, font beaucoup parler d'eux à l'étranger. Mais peu ici. Rencontre avec des champions méconnus.

Michel Lemay, 53 ans, était le plus vieux compétiteur l'an dernier en Russie aux championnats mondiaux. Son fils Benoit, 20 ans, le plus jeune. Il y a longtemps que le père a décidé que le parachutisme serait pour lui bien plus qu'un simple divertissement. Et ses fils l'ont plus tard suivi naturellement.

«Il y avait une émission à la télévision dans les années 60 qui s'appelait Les hommes volants. C'était trois parachutistes qui faisaient toutes sortes de missions. Je me suis toujours dit qu'un jour je sauterais», raconte Michel.

À 19 ans, il passe aux actes. «J'ai vraiment accroché, dit-il. La piqûre a été quasi instantanée. À partir de 20 ans, je savais que ma vie allait être organisée autour du parachutisme.»

En 1990, il ouvre son école à Farnham, Nouvel Air, toujours en activité. Ses fils Martin, Vincent et Benoit y ont passé leur jeunesse. «Ils ont commencé à un jeune âge, ils ont eu quelques passe-droits... Ils sautaient avec moi en tandem avant d'avoir l'âge pour sauter seuls. Et je me rappelle qu'à 8 ans, Martin était allé reprendre un instructeur sur un détail qu'on venait de changer dans une procédure! relate le père en riant. Ils sont tombés dedans petits...»

Martin, l'aîné à 26 ans, encense ses frères. «Ce que Ben et Vincent sont capables de faire, c'est incroyable. À 10 ans, ils allaient dans une soufflerie (ndlr, un simulateur intérieur) en Floride. C'était nos voyages de famille», se rappelle-t-il.

Aujourd'hui, à quatre, ils totalisent 30 000 sauts. Dont près de la moitié exécutés par les fils.

Championnats

Les Lemay reviennent tout juste des championnats canadiens, disputés cette année à Edmonton. L'équipe Évolution qu'ils forment avec le caméraman Philippe Thibodeau a, sans surprise, facilement raflé l'or dans l'épreuve de vol en formation à quatre. Les parachutistes doivent exécuter le plus de formations possible pendant une chute libre de 35 secondes sur le ventre. La séquence à présenter est tirée au hasard avant le saut parmi la quarantaine de formations reconnues et un point est donné pour chaque formation réussie. Le caméraman a la tâche de bien cadrer chaque manoeuvre. Dans le cas contraire, le point n'est pas attribué. On procède au tirage d'une nouvelle suite de mouvements à faire avant chacun des 10 sauts de la compétition. On additionne ensuite les points des 10 descentes. Record de l'équipe québécoise pour un saut? Cinquante et une formations. À 200 km/h.

L'adrénaline se fait toujours sentir? «Le feeling est différent du premier saut. Avec l'entraînement, la routine, ça devient plutôt un stress de performance», explique Martin.

Sur la scène mondiale, ils ont terminé 5es sur 20 pays, en Russie l'an dernier, derrière la France, les États-Unis, le pays hôte, et la Belgique. Au fil des mondiaux, qui se tiennent aux deux ans, en alternance avec les années des championnats canadiens, leur progression est constante. Et remarquée.

«Il y a un buzz autour de notre équipe. Le père avec ses fils, et qui performent à un haut niveau en plus. On fait les nouvelles plus souvent ailleurs! lance Michel. Et, principalement en Russie l'année passée, on a eu énormément d'hommages de la part des équipes qui nous précèdent. Pour une bonne raison: elles sont très subventionnées. Non seulement leurs dépenses sont couvertes, les Américains sont même payés pour faire ça. Contrairement à nous qui devons payer des milliers et des milliers de dollars de notre poche.»

En effet, les commanditaires ne cognent pas à la porte des représentants du Canada. Et ils seraient pourtant bienvenus. Les Lemay compétitionnent avec des équipes qui font 800 sauts d'entraînement par année, alors qu'eux peinent à s'en payer 150, plus l'accès fourni par SkyVenture Laval à son simulateur intérieur.

«Je n'ai aucun doute qu'avec des ressources, on gagnerait une médaille aux championnats du monde, affirme Martin. Avec le quart de l'entraînement du top 4, on les chauffe et ils le savent.»

«Les gars admirent notre équipe pour ça, ajoute Michel. On a poussé dans le temps de le dire, ils ne nous ont pas vus venir.»

Double défi

L'an dernier, Martin, Vincent, Benoit et Philippe Thibodeau ont décidé de se lancer un deuxième défi: une nouvelle épreuve, le vol vertical à quatre. Même principe de base, exécuter le plus de formations possible dans un laps de temps déterminé. Mais on saute dans ce cas de 13 500 pieds, 3000 de plus que sur le ventre. Et, surtout, en position «assise» ou tête première! Vitesse: plus de 250 km/h.

«C'est comme si, en ski, on décidait de faire du slalom et de la descente. Ce sont deux techniques complètement différentes», explique Michel.

De toute évidence, l'adaptation s'est quand même faite aisément. Le quatuor a gagné l'épreuve aux récents championnats canadiens. Le groupe doit donc se préparer pour deux disciplines en vue des mondiaux de l'an prochain, à Dubaï. Ce qui ne l'empêche pas de viser le top 5 dans les deux épreuves.

«Avec la commande qu'ils se sont imposée, notre challenge est maintenant bien plus gros que celui des autres équipes», observe Michel.

Photo: fournie par l'équipe

Benoit, Michel, Martin et Vincent Lemay, et le caméraman Daniel Paquette, après les championnats du monde de l'an dernier, en Russie. Daniel Paquette a depuis été remplacé par Philippe Thibodeau. Ce dernier prend aussi part au vol vertical à quatre avec les frères Lemay.