Le Canada a-t-il les moyens de présenter deux compétitions sportives majeures en même temps? La question se pose après l'annonce par Jeux du Commonwealth Canada de son intérêt à soumettre sa candidature pour 2022, l'année des Jeux olympiques d'hiver que Québec tente de décrocher.

Tom Jones, PDG de Jeux du Commonwealth Canada, a fait savoir que le Canada lorgne la présentation des Jeux de 2022 dans une entrevue à Radio-Canada. «C'est un peu tard pour 2018, le processus est clos, mais pour 2022, c'est bien possible», a dit M. Jones, que la SRC a interviewé à New Delhi, où se sont conclus les XIXes Jeux du Commonwealth, jeudi dernier. Il a ajouté que plusieurs villes canadiennes sont intéressées.

Or, la ville de Québec espère obtenir les Jeux olympiques d'hiver en 2022. Le projet de Colisée, qui a fait beaucoup parler ces derniers mois, serait l'une des pièces maîtresses de sa candidature. La mairie de Québec n'a pas souhaité faire de commentaires, hier.

Claude Rousseau, mandataire provincial chargé d'étudier la faisabilité d'un projet olympique à Québec et président d'Équipe Québec, ne s'inquiète pas outre mesure. Il s'est informé auprès de «certains contacts au fédéral». «Pour le moment, il n'y a pas réellement de projet concret sur la table», a dit M. Rousseau au sujet des Jeux du Commonwealth.

Le Comité olympique canadien (COC), un organisme distinct de Jeux du Commonwealth Canada, tient le même discours. «À ce moment-ci, ça reste des hypothèses sur lesquelles il n'y a pas lieu de spéculer», a fait savoir le porte-parole Jean Gosselin.

Quand même, Walter Sieber, vice-président du COC, n'imagine pas l'organisation simultanée des deux manifestations. «Ce serait impensable, selon moi», dit M. Sieber, l'un des Canadiens les mieux branchés dans les hautes sphères sportives internationales. «On serait dans le marché des commandites et des sponsors en même temps. Pour un pays comme le nôtre, ça ne marchera pas. Et à l'étranger, les gens qui prennent les décisions vont regarder ce qui se passe et dire: trop, c'est trop.»

L'heure des choix

Déjà, le COC aura éventuellement à décider quel projet il appuiera: les Jeux olympiques d'été à Toronto, qui sera le théâtre des Jeux panaméricains de 2015, ou les Jeux d'hiver à Québec? «C'est sûr et certain qu'on ne pourra faire les deux en même temps», dit M. Sieber.

Le député libéral Denis Coderre, ancien secrétaire d'État au Sport amateur, note une désorganisation dans les démarches pour l'accueil de grandes manifestations sportives internationales. «C'est un gros jeu d'échecs, a-t-il souligné. Il faut qu'il y ait une orchestration. Soyons clairs, il y a beaucoup de politique là-dedans.» Aux yeux de M. Coderre, le ministre des Sports «ne fait clairement pas sa job» pour y parvenir.

D'éventuels Jeux du Commonwealth devraient recevoir l'appui des différents ordres de gouvernement, en particulier le fédéral, principal bailleur de fonds pour la construction des infrastructures, rappellent MM. Coderre et Sieber.

Halifax est la dernière ville canadienne à avoir posé sa candidature pour l'organisation des Jeux du Commonwealth. Elle visait ceux de 2014. En mars 2007, à quelques mois du vote, le comité de Halifax s'était abruptement retiré, faute d'appuis suffisants des gouvernements provincial et régionaux. Le gouvernement fédéral avait promis 400 millions pour le projet de 1 milliard, réévalué à la baisse à deux occasions. M. Coderre, qui appuyait Halifax, estime qu'il aurait fallu soumissionner de nouveau pour 2018. Au moment de mettre sous presse, Patrimoine Canada n'avait pas répondu à nos questions au sujet d'une possible candidature pour 2022.

Le Canada a accueilli les Jeux du Commonwealth quatre fois: à Hamilton (1930), à Vancouver (1954), à Edmonton (1978) et à Victoria (1994).

Moins cher, moins populaire

Aux yeux de M. Sieber, le principal attrait des Jeux du Commonwealth est le fait qu'ils coûtent bien moins cher que les Jeux olympiques. «Le tiers, maximum, évalue-t-il. Il faut dire que l'impact de la diffusion télévisuelle et les revenus sont moindres aussi.»

Sur le plan sportif, les Jeux du Commonwealth ne font pas l'unanimité. Pour certains athlètes, comme le plongeur Alexandre Despatie, triple médaillé d'or à New Delhi, ils représentent une étape importante de préparation en vue des Jeux olympiques.

Pour d'autres observateurs, comme l'entraîneur de ski Dominick Gauthier, ces jeux ont graduellement perdu de leur lustre. «Ils n'ont plus leur pertinence, ce sont des jeux de deuxième classe, pense Gauthier, cofondateur de l'organisme B2Dix, une fondation qui finance l'entraînement d'athlètes d'élite. Ne diluons pas les ressources, d'autant plus qu'on a déjà les Jeux panaméricains.»

Les prochains Jeux du Commonwealth seront présentés en 2014, à Glasgow, en Écosse. Deux villes sont candidates pour 2018: Hambantota, au Sri Lanka, et Gold Coast, en Australie. La gagnante sera connue le 11 novembre 2011.