Erik Guay n'a pas changé d'idée. L'un des rares athlètes à ne pas avoir hésité à exprimer son désaccord avec le Comité olympique canadien, qui s'est donné publiquement l'objectif de terminer au sommet du classement des médailles aux Jeux olympiques de Vancouver, il n'avait pas changé d'idée cette semaine, alors qu'il se prépare en vue du grand rendez-vous de février.

«Je comprends les deux côtés de la médaille, a-t-il cependant nuancé, en début de semaine, lors d'une rencontre avec La Presse Canadienne. Que le COC vise un nombre déterminé de podiums... Je comprends qu'ils veulent exciter les gens, après tout ça n'arrive pas à tous les quatre ans d'avoir les Jeux chez soi - ça va arriver à tous les 30 ou 40 ans, peut-être...

«On veut frapper l'imagination des gens, mais en même temps, c'est facile de dire, bon, on vise 45 médailles aux Jeux. C'est facile quand tu t'asseois et que tu ne fais rien, quand ce n'est pas toi qui vas là. Ce sont nous, les athlètes, qui devons prendre ça sur notre dos et aller chercher les médailles.

«Je trouve que ce n'est pas très juste à ce niveau-là. Surtout qu'il ne s'agit que d'une course sur l'ensemble de l'année. Il peut y avoir mille choses qui peuvent t'arriver pendant cette course-là.»

Le ski est un sport tel qu'une course disputée le lendemain par les mêmes coureurs peut donner des résultats complètement différents, au hasard de la forme de chacun, mais aussi de la condition de la piste.

«C'est toujours comme ça, souligne Guay. En fait, c'est pire aux Jeux olympiques. C'est rare que ce soit le favori qui va gagner aux Jeux. On l'a vu à Turin, c'est le Français Antoine Dénériaz qui a remporté l'or, et il n'avait rien fait de la saison...

«C'est la nature du sport mais aussi, quand tu es un des favoris, tu as mille fois plus de stress et de pression que les autres, ajoute le skieur québécois de 28 ans. Les autres sont là et peut-être qu'ils skient bien, peut-être qu'ils sont classés parmi les 10 premiers, mais ils n'ont pas de pression, ils arrivent là avec un petit peu moins d'attentes, ils sont capables de mieux gérer leur temps, ils sont plus tranquilles, ils arrivent et ils sont capables de skier comme ils veulent.»

Les attentes à l'égard des favoris sont d'autant plus injustes, estime Guay, que la pratique courante de reléguer les skieurs les mieux classés plus loin dans l'ordre de départ a tendance à les désavantager. Ce qui est bien sur l'ensemble d'une saison de la Coupe du monde, affirme le skieur québécois, puisque ça permet d'équilibrer les chances; mais injuste pour la tenue d'une course unique, puisque les meilleurs skieurs n'auront jamais l'occasion de racheter le désavantage qu'on leur impose... à cause de leur excellence.

«Quand on fait partir le meilleur skieur un peu plus loin (à la Coupe du monde), on s'assure que ce ne soit pas le même qui gagne à toutes les fins de semaine et c'est plus excitant pour le globe de cristal, affirme Guay. Mais quand tu te fais mettre en arrière aux championnats du monde et aux Jeux olympiques, je ne trouve ça pas juste.

«Si tu es le meilleur skieur, dans ces compétitions-là, tu mérites qu'on te donne les meilleures chances de gagner la course.»