Les anglophones paraphrasent souvent Winston Churchill en parlant de «blood, sweat and tears» (sang, sueur et larmes) pour décrire une épreuve difficile. La métaphore a pris tout son sens pour la gagnante de l'Ironman, hier.

Les anglophones paraphrasent souvent Winston Churchill en parlant de « blood, sweat and tears » (sang, sueur et larmes) pour décrire une épreuve difficile. La métaphore a pris tout son sens pour la gagnante de l'Ironman, hier.

Mary Beth Ellis a remporté l'épreuve d'endurance de Mont-Tremblant pour la troisième fois au cours des quatre dernières années. Mais l'Américaine de 39 ans l'a fait non sans douleur.

Elle a mis 61 minutes pour parcourir les 3,8 km de natation. Mais même si la température de l'eau était raisonnable (22,6 degrés Celsius, 73 Fahrenheit), Ellis en est ressortie blême, grelottante, et la bouche ensanglantée, résultat d'une bulle de sang qui a éclaté. «Ça m'arrive quand mon corps est soumis à un stress intense», a-t-elle expliqué.

Sous une pluie parfois forte, elle a continué à souffrir du froid pendant les 30 premiers kilomètres d'un parcours de vélo qui en compte 180, avant de finalement commencer à se réchauffer. «Si je ne m'étais pas réchauffée, il aurait fallu que j'abandonne.»

Elle a mis cinq heures à parcourir cette portion.

L'attendait ensuite un marathon. Mais les 42 km de course ont été compliqués par une blessure aux métatarses des deux pieds. Résultat: ses espadrilles blanches étaient plutôt rouges - imbibées de sang - quand elle a franchi le fil d'arrivée, au bout de 9 h 26 min d'efforts.

Ceux qui ont suivi sa progression tout au long de la journée ont donc pu prendre une bonne mesure de ce que peuvent être ces épreuves d'endurance, qui poussent à l'extrême les limites du corps humain. Car Ellis n'a pas la seule à avoir souffert. Suffit de voir tous ces concurrents qui s'effondrent au fil d'arrivée, immédiatement pris en charge par le personnel d'encadrement de l'événement.

«C'était difficile, a avoué la gagnante. J'ai eu vraiment froid dans l'eau, le vélo était difficile en raison de la pluie. Et la course à pied est toujours pénible, car c'est dur de faire un marathon à ce point-là. Il y a eu de la souffrance, mais je me suis rendue jusqu'au bout et j'ai gagné, donc je ne peux pas être fâchée.»

Ellis a gagné avec une priorité de six minutes sur sa compatriote Laurel Wassner. Les deux ont toutefois dû patienter près de 20 minutes avant de voir une troisième femme franchir le fil d'arrivée, la Canadienne Robyn Hardage.



Photo Hugo-Sébastien Aubert, La Presse

L'Américaine Mary Beth Ellis a remporté l'Ironman de Mont-Tremblant pour la troisième fois au cours des quatre dernières années.

L'électricien triomphe

Le triathlon, en particulier sur longue distance, a la réputation d'être un sport plutôt dispendieux, et donc accessible seulement à ceux qui en ont les moyens. Encore hier, un sympathique bénévole qui a accueilli l'auteur de ces lignes sous sa tente pendant la course racontait que sa conjointe, une concurrente, avait déboursé plus de 5000 $ pour l'événement en frais d'inscription et d'hébergement, et pour un entraîneur. C'est sans compter l'équipement pour les trois disciplines...

Le gagnant de l'épreuve chez les hommes, Chris Leiferman, a toutefois voulu désamorcer cette image. Fils d'électricien, il assure que son sport est plus démocratisé que ce qui est véhiculé.

«On n'était pas riches, mais pas pauvres non plus. J'ai commencé sur un vélo de route bon marché. Je n'ai pas eu de vélo à 10 000 $ dès le départ! J'ai eu mon premier bon vélo il y a deux ans, et ça fait neuf ans que je fais du triathlon. Maintenant, j'ai des commanditaires, ça aide. Mais je suis fier de venir de la classe ouvrière. Depuis que je suis assez vieux pour tenir des outils, mon père me fait travailler. Il m'a fait travailler fort, et tu dois travailler fort en triathlon.

«Je crois que c'est accessible à tous. J'ai commencé sur un vélo à 200 $. C'est le moteur qui fait la différence, pas le vélo! Des souliers, ce n'est pas cher. Des lunettes et un bonnet de bain non plus. Tu peux te débrouiller sur un vélo correct. Faire un triathlon sprint, ce n'est pas très cher.»

Sur le plan purement sportif, Leiferman a disputé toute une course. Son temps de 8 h 24 min est encore plus impressionnant quand on réalise qu'il courait la distance Ironman pour la première fois de sa vie! Son sublime chrono de 2 h 45 min au marathon lui a permis de combler le retard qu'il accusait sur les meneurs au terme de la portion à vélo.

Prudence

Leiferman a devancé de cinq minutes un autre Américain, Jordan Rapp, champion de l'édition de 2015 à Tremblant.

Si Leiferman a dit avoir apprécié les généreuses averses, on ne peut pas en dire autant de Rapp. «Je ne suis pas très téméraire en vélo, donc je suis beaucoup plus sur les freins quand il pleut», a-t-il admis.

Rapp a toutefois une bonne raison d'être prudent. En 2010, il a subi un très grave accident à vélo, quand un camion l'a fauché. Sans l'intervention d'un policier, qui a stoppé une hémorragie dans son cou, l'accident aurait pu être fatal.

«Dans une certaine mesure, c'est à cause de ça que je suis plus prudent. Quand tu sais à quel point ça peut mal tourner quand tu as un accident, tu es plus prudent. Je le suis plus qu'avant l'accident, mais aussi, j'ai des enfants maintenant, et je veux être là pour eux. J'ai plusieurs raisons d'être plus prudent!

«Mais avec une performance comme celle de Chris, je ne sais pas si j'aurais pu le rattraper même en étant téméraire! J'aurais peut-être fini à une minute au lieu de peu importe par quel écart il a gagné.»

Photo Hugo-Sébastien Aubert, La Presse

Le gagnant de l'épreuve chez les hommes, l'Américain Chris Leiferman, avec un temps de 8 h 24 min.