Le nouveau plan d'action québécois en matière de commotions cérébrales manque de dents, selon les neurologues et neuropsychologues du Québec. Les deux associations de spécialistes de la santé déplorent le fait que des mesures concrètes, mais controversées du «rapport Ellemberg» aient été laissées de côté par le gouvernement du Québec.

«Nous saluons l'adoption du rapport. Mais pour nous, avant la prise en charge des commotions, le plus important est leur prévention, rappelle le Dr Patrick Cossette, porte-parole de l'Association des neurologues dans ce dossier. Or, au chapitre de la prévention, le nouveau plan d'action manque de recommandations spécifiques, ne va pas assez loin et est insuffisant.»

Le gouvernement avait créé un Groupe de travail indépendant en janvier 2014 sous l'égide de Dave Ellemberg, neuropsychologue. Son rapport a été remis en mars 2015. Le gouvernement s'en est inspiré pour rédiger son plan d'action, qui a été dévoilé lundi en même temps que le rapport.

Or, à la lecture des deux documents, on constate que deux recommandations très concrètes de M. Ellemberg n'ont pas été retenues dans le plan d'action: l'interdiction des mises en échec ou des plaquages chez les jeunes de moins de 14 ans, ainsi que celle des coups à la tête à la boxe chez les moins de 18 ans.

Ces deux recommandations ne figurent pas dans le rapport du ministère de l'Éducation, qui se contente de demander des «modifications requises aux règlements de sécurité», sans plus de détail.

«On est conscients que c'est complexe et que des forces en présence ne veulent pas ces changements spécifiques, explique le président de l'Association des neuropsychologues du Québec, Simon Charbonneau. Mais on pense vraiment que ce sont les éléments du rapport qui auraient eu le plus d'impact, le plus rapidement et à coût nul. Nous sommes déçus qu'ils n'aient pas été retenus.»

Concrètement, si le souhait des deux associations de spécialistes était réalisé, les coups à la tête seraient interdits à la boxe et dans les autres sports de combat avant 18 ans. «Pour nous, c'est insensé que des jeunes de 14 ans fassent de la boxe alors que le but du sport est d'entraîner une commotion cérébrale», fait valoir le M. Charbonneau.

Les mises en échec au hockey et les plaquages au football seraient aussi bannis avant l'âge de 14 ans. À l'heure actuelle, au Québec, la mise en échec est pratiquée au hockey dès l'âge de 13 ans dans les catégories bantam AA et AAA, ainsi que dans quelques ligues scolaires.

Le neuropsychologue Dave Ellemberg confirme que son groupe de travail avait recommandé ces deux mesures concrètes. «Et en effet, ces points-là ne sont pas dans le plan d'action du Ministère, dit-il. Ce que j'ai compris, c'est que le gouvernement désire impliquer les fédérations dans les décisions qui touchent particulièrement leur sport avant de prendre une décision.»

Il faudra donc voir dans les prochains mois si ces recommandations seront reprises par Québec, qui a créé une Table de concertation qui doit réunir tous les acteurs du sport amateur.

Si le Québec interdisait la mise en échec à 13 ans, il serait la première province à le faire au pays.

La province a d'ailleurs longtemps été la seule à interdire ce geste chez les joueurs de catégorie pee-wee (11 et 12 ans), jusqu'à ce que les autres provinces l'imitent il y a deux ans.

«Ces mesures nécessitent plus de consensus, notamment parce qu'on ne veut pas dénaturer les différents sports, explique Julie White, porte-parole du ministre de l'Éducation, François Blais. Le groupe de concertation va être mis sur pied et on imagine qu'il va se pencher sur ces mesures spécifiques.»