Après avoir purgé sa suspension de deux ans pour dopage, le cycliste Arnaud Papillon souhaitait effectuer un retour à la compétition cette saison. Pour renouer avec une passion et le plaisir de rouler avec des amis. Mais devant le tollé causé par son désir de revenir, le jeune homme de 25 ans a décidé de se raviser.

En 2011, Papillon a subi deux contrôles positifs à l'érythropoïétine (EPO), dont un lors des Championnats canadiens sur route. Cette nouvelle avait créé une onde de choc dans le milieu du cyclisme québécois, encore marquée par la triste histoire de Geneviève Jeanson, dopée à l'EPO toute sa carrière.

Cycliste prometteur, Papillon avait été champion canadien U23 en 2010 et avait fini deuxième l'année suivante, avant d'être déclassé à la suite de son test positif. Les membres de son entourage, ses coéquipiers et la direction de son équipe, Garneau Club Chaussures, avaient réagi avec stupeur et incrédulité.

Papillon avait lui-même annoncé sa suspension de deux ans, qui s'est terminée le 13 août dernier. Dans un communiqué succinct, il avait admis les faits, exprimé des regrets et annoncé son retrait définitif de la compétition. Il a poursuivi ses études universitaires et ne s'était pas manifesté depuis.

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Le goût du vélo et de la compétition lui était resté. Papillon a pensé reprendre une licence à titre de coureur indépendant pour 2014. À l'invitation d'un ami, Charles G. LaPierre, il a accepté de joindre les rangs de la nouvelle équipe Club cycliste Boucherville/Ultime Vélo/Trek (CCB).

«Il voulait recommencer à faire du vélo, je lui ai proposé de faire du vélo, c'est tout», explique LaPierre, lui-même membre de l'équipe, qu'il compare à une réunion d'amis qui roulent «pour le plaisir». «On n'est pas là pour gagner des championnats de vélo. On est tous aux études ou au travail.»

En plus des Mardis de Lachine, le CCB envisage de participer à une demi-douzaine de courses, essentiellement sur le circuit québécois.

La nouvelle équipe est une extension du Club cycliste Boucherville-Ultime Vélo, un club de développement pour de jeunes coureurs de 6 à 17 ans. Jusqu'à l'an dernier, ce club portait le nom de Vélo Club Longueuil, auquel a déjà appartenu Papillon. En plus du nom, l'équipe senior et le club de développement partagent le même conseil d'administration.

Après une rencontre et des discussions avec Papillon, les membres du conseil, des parents bénévoles, ont accepté de l'admettre dans l'équipe. «Ce n'est pas un pédophile, ce n'est pas un meurtrier, plaide Luc Levesque, porte-parole du conseil. Il a fait une erreur et il veut revenir pour le plaisir. Il est extrêmement repentant et malheureux.» Le club ne peut se substituer à l'Agence mondiale antidopage, ajoute-t-il.

La Fédération québécoise des sports cyclistes (FQSC) a été consultée. Légalement, le coureur est pleinement habilité à reprendre la compétition. Il n'est cependant plus admissible aux programmes d'aide financière transitant par la FQSC et ne peut plus représenter une équipe du Québec.

Le directeur général de la FQSC, Louis Barbeau, a conseillé aux gens du CCB de prévenir leurs partenaires et commanditaires. «Ils savent», assure M. Levesque.

Le directeur général de la FQSC a émis des réserves par rapport au fait que le CCB est aussi un club de développement. «Je ne suis pas convaincu encore que ce soit la meilleure idée, mais je ne suis pas fermé à ça, précise Louis Barbeau. Je pense qu'Arnaud aurait pu courir ailleurs, mais je respecte et je comprends la décision du club.»

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Luc Levesque assure qu'Arnaud Papillon n'aurait eu aucun rôle auprès des jeunes. Ce n'est pas ce qu'avait compris François Parisien. Invité à prononcer une conférence devant le CCB, l'ex-coureur professionnel s'est fait dire que Papillon devait lui aussi s'adresser aux jeunes. De fil en aiguille, il a également appris qu'il porterait les couleurs de l'équipe.

Après un échange de courriels avec des membres du conseil d'administration, les deux parties ont convenu que Parisien ne donnerait pas de conférence. «Je leur ai dit: «Je ne veux pas m'associer à vous, je suis contre ça» », a dit le cycliste retraité.

Déjà opposé à ce qu'un coureur convaincu de «dopage lourd» puisse reprendre la compétition, Parisien n'accepte pas qu'il «prenne la place d'un junior qui n'a pas les moyens de se trouver une place». «Rien n'oblige ce club-là à prendre un coureur dopé», s'indigne-t-il.

Luc Levesque rétorque que Papillon ne prenait la place de personne. Quant à l'idée d'une conférence devant les jeunes, il admet qu'elle a déjà été évoquée, mais jamais approuvée par le conseil d'administration.

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Ce débat interne a atterri dans la sphère publique lundi quand Parisien a publié de larges extraits des échanges de courriels sur le site internet spécialisé veloptimum.net. Luc Levesque a qualifié ce geste d'«un peu déplorable et méprisable».

Joint au téléphone mercredi après-midi, Arnaud Papillon a préféré se taire. «J'ai entendu parler des gens qui font des commentaires. Je n'ai pas le goût de rembarquer là-dedans», a-t-il fait valoir. Son nom a été retiré du site internet de l'équipe.

En soirée, Papillon a transmis un courriel à La Presse, indiquant toujours regretter ses gestes de 2011 et se disant «conscient que rien n'effacera jamais» ce qu'il a fait. Il estime «avoir payé [s]a dette».

«Tout ce que je souhaite, c'est d'avoir à nouveau du plaisir à courir, a-t-il écrit. Voilà tout. Je comprends les inquiétudes que certaines éprouvent, mais je vous assure que je ne cherche pas à être un modèle pour qui que ce soit. Si mon vécu peut éventuellement aider, ça me fera plaisir quand ma crédibilité le permettra. Contrairement à ce qui a été dit et voulant me protéger de toute polémique, je n'envisage aucune affiliation avec aucun club cycliste si je décide de rouler cette année.»

Aux dernières nouvelles, la FQSC n'avait toujours pas reçu de demande de licence pour Arnaud Papillon.