Perdre est une réalité quotidienne dans les sports. Cela peut même devenir un «mode de vie», une manière comme une autre de gagner sa vie, en sachant très bien que nos chances d'accéder aux premiers rangs sont limitées. Le risque est alors de sombrer dans une spirale dont les conséquences débordent largement le cadre sportif. Deuxième volet de notre série sur l'expérience de la défaite.

Ceux qui ne sont pas habitués à la victoire composent bien plus facilement avec la défaite. À Toronto, les Maple Leafs n'ont pas gagné la Coupe Stanley depuis 1967, mais les partisans de l'équipe n'en font plus un plat.

Il y a quelques semaines, à l'occasion d'un match au Air Canada Centre, nous avons pu discuter avec plusieurs anciens joueurs et dirigeants des Maple Leafs: Darryl Sittler, Wendel Clark, George Armstrong, Cliff Fletcher...

«Ce n'est pas parce qu'on perd qu'on est des perdants, a lancé Sittler, l'un des joueurs les plus populaires de l'histoire des Leafs. Il faut avoir beaucoup gagné pour tenir la victoire pour acquise. À Montréal, les amateurs ont été tellement habitués à gagner la Coupe Stanley qu'ils s'attendent à ce que le Canadien soit toujours dans la course pour la gagner de nouveau...

«Ici, nous avons des attentes élevées envers notre équipe, mais nous savons qu'une seule équipe remporte la Coupe Stanley chaque année et que cela est devenu très difficile dans le hockey d'aujourd'hui.»

Armstrong rappelle qu'il n'y avait encore que six équipes, en 1967, quand il a été le capitaine de la dernière formation des Leafs à remporter la Coupe Stanley. «C'était notre quatrième Coupe Stanley en six saisons et tout le monde croyait qu'on en gagnerait encore plusieurs, a-t-il souligné. En fait, nous avons raté les séries la saison suivante et nous n'avons jamais retrouvé une aussi bonne équipe.»

Cela fait déjà 45 ans et les Maple Leafs ne sont jamais retournés en finale...

Quand la défaite est une «malédiction»

À Chicago, les Blackhawks n'avaient plus gagné la Coupe Stanley depuis 49 ans quand ils ont réussi l'exploit en 2010. La Ville des vents est toutefois aux prises avec une autre léthargie sportive bien plus importante aux yeux de ses habitants. Les Cubs n'ont pas gagné la Série mondiale du baseball majeur depuis 103 ans!

On raconte même qu'une malédiction pèse sur l'équipe depuis 1945, le fameux «Billy Goat Curse», lancé par un certain Bill Sianis, propriétaire d'une taverne près du Wrigley Field. Il s'était vu refuser l'entrée du stade pour le quatrième match de la Série mondiale sous prétexte qu'il était accompagné par une chèvre (Billy Goat) et il avait juré que les Cubs ne remporteraient plus jamais le championnat.

Amusante, l'histoire n'en est pas moins très sérieuse à Chicago, où les Cubs sont devenus la risée des amateurs. La direction de l'équipe s'est d'ailleurs tournée vers un «spécialiste», le nouveau directeur général Theo Epstein, qui a aidé en 2004 les Red Sox de Boston à mettre fin à une léthargie de 86 ans associée au «Bambino's Curse».

«Je ne crois pas aux malédictions et je crois avoir un peu aidé à prouver qu'elle n'existait pas au baseball, a expliqué Epstein, il y a quelques mois, en conférence de presse. Par contre, je crois qu'on doit être honnête et reconnaître que certaines organisations ne font pas leur travail.

«C'est l'approche que nous avons adoptée à Boston et que je veux mettre en place à Chicago. Nous avons décelé plusieurs choses que l'équipe n'avait pas bien accomplies au cours des années et nous avons trouvé des solutions. Ce n'était pas une malédiction, juste du mauvais travail.»



Une carrière sans Coupe Stanley

Le défenseur américain Phil Housley est le joueur ayant disputé le plus grand nombre de matchs dans la LNH sans jamais gagner la Coupe Stanley. Housley a joué pas moins de 1495 matchs pendant 21 saisons avec 9 équipes. Il n'a participé qu'une fois à la finale, en 1998, avec les Capitals de Washington, mais les Red Wings de Detroit les ont balayés en quatre matchs. «Plus jeune, mon équipe préférée était le Canadien et je rêvais de remporter la Coupe Stanley, comme il l'avait fait si souvent, a expliqué Housley en entrevue récemment. J'ai disputé mon premier match hors concours contre le CH, à Buffalo, et je me souviens d'avoir été impressionné de pouvoir m'approcher de mon idole Guy Lafleur sur la patinoire...»

Aujourd'hui entraîneur à la Stillwater High School, dans son Minnesota natal, Housley estime avoir eu une très belle carrière. «J'ai eu la chance de jouer pendant 21 saisons, avec de grands joueurs, de belles équipes. Mes entraîneurs m'ont permis de pratiquer le style de jeu offensif que j'appréciais, d'être le quart-arrière lors des avantages numériques, et j'ai pu compiler des statistiques intéressantes.

«J'ai aussi eu la chance de commencer à Buffalo, dans une petite ville où les attentes n'étaient pas démesurées envers l'équipe. Les Sabres étaient une équipe très soudée, nous étions toujours ensemble et nous trouvions une grande satisfaction dans ce sentiment de famille, que nous partagions d'ailleurs avec les partisans.

«Au-delà des résultats, des victoires et des trophées, le sport est aussi un jeu et j'ai eu beaucoup de plaisir durant toute ma carrière.»

Photo: Reuters

Phil Housley