Après des années de vain lobby, l'Ultimate Fighting Championship (UFC) a décidé de poursuivre l'État de New York, qui interdit les arts martiaux mixtes depuis 1997. Le promoteur américain a déposé sa poursuite en Cour fédérale mardi. L'enjeu? Le droit de présenter des événements sur ce marché lucratif. La Presse s'est entretenue avec l'avocat de l'UFC et professeur de droit à la New York University, Barry Friedman.

Q: Pourquoi pensez-vous que l'État de New York a interdit les arts martiaux mixtes?

R: C'était un sport très différent à l'époque. Les promoteurs en parlaient comme d'un sport de l'extrême, où l'on se battait jusqu'à la mort, un sport sanguinolent, dangereux. On disait cela pour attirer l'attention d'un certain public, rendre la chose excitante. Cette présentation du sport était faussée à l'époque, elle est carrément ridicule aujourd'hui.

Q: Vous croyez que les choses ont évolué?

R: Bien évidemment, ce n'est plus le même sport aujourd'hui. Les arts martiaux mixtes aux États-Unis se pratiquent désormais selon des règlements unifiés. Il y a maintenant des catégories de poids, une liste de 31 gestes fautifs, des examens médicaux pour les combattants avant les affrontements... Beaucoup de coups acceptés à l'époque ne le sont plus. Les statistiques démontrent que les arts martiaux mixtes sont plus sécuritaires ou aussi sécuritaires que des sports comme le football, la boxe, le ski alpin ou les sports équestres. Alors, oui, le sport a évolué! À l'heure actuelle, dans la vaste majorité des États-Unis, les arts martiaux mixtes ne sont pas interdits et sont réglementés par des commissions athlétiques. Ils ne sont plus bannis qu'à New York, dans le Connecticut et au Vermont.

Q: Dans votre poursuite, vous soutenez que l'interdiction du sport à New York est anti-constitutionnelle.

R: Si une loi viole les libertés individuelles, alors on peut considérer qu'elle viole la Constitution américaine. Nous soutenons que l'interdiction est discriminatoire puisque plusieurs sports plus dangereux sont permis. De plus, l'interdiction viole le droit à la libre expression puisque plusieurs combattants s'expriment par leur engagement dans ce sport. Dans cette cause, je représente l'UFC, mais aussi 13 autres parties, dont des combattants, des amateurs, des entraîneurs, des propriétaires de gymnase...

Q: Au moment d'interdire les arts martiaux mixtes, l'État de New York prétendait que c'était surtout pour la sécurité des participants. Vous estimez que c'était plutôt pour lutter contre le message de violence associé au sport.

R: En fait, l'État évoquait ces deux raisons. On peut être sceptique quant à l'argument sur la sécurité des combattants, puisque le sport aurait pu être simplement réglementé par l'État plutôt que banni. Nous croyons que la principale raison, c'est qu'on n'aimait pas le message envoyé par le sport. Mais aux États-Unis, on ne peut interdire quelque chose simplement à cause de son contenu, de son message. La pornographie juvénile est l'un des rares exemples de ce qui peut être interdit à cause de son message même. Récemment, la Cour suprême a conclu, dans une cause concernant des jeux vidéo, que la violence n'est pas l'un des messages qui puisse être banni.

Q: Le marché new-yorkais est-il important pour l'UFC?

R: L'UFC voudrait bien sûr être sur tous les marchés, mais cette cause est plus fondamentale. Il y a des milliers de New-Yorkais qui aimeraient, sans être des stars nationales qui se rendraient au UFC, participer à des événements d'arts martiaux mixtes. Nous en représentons plusieurs dans cette cause et ils sentent que l'interdiction les brime. C'est aussi à New York que se trouve le Madison Square Garden, une arène historique, et plusieurs combattants aimeraient se battre là ou Ali l'a fait.

Q: Vous croyez réussir devant les tribunaux?

R: Honnêtement, il y aura inévitablement des arts martiaux mixtes à New York. C'est simplement une question de temps.