Georges St-Pierre remontera dans l'octogone le 29 octobre pour défendre son titre de champion du monde. Alors qu'il termine une préparation physique intense, qui vise à l'affûter comme un couteau. La Presse a assisté à l'une de ses séances d'entraînement...

C'est encore le matin quand Patrick Beauchamp ouvre les portes du club de gymnastique IMCO. Le gymnase situé en plein parc La Fontaine a vu défiler bien des champions au fil des ans. Des banderoles pendent aux murs avec les noms des athlètes du club qui se sont rendus aux Olympiques.

«Le centre ici, c'est un peu le Canadien de Montréal de la gymnastique, image l'entraîneur. C'est un club hyperreconnu au Québec et au Canada.»

Aujourd'hui comme chaque semaine, Patrick Beauchamp attend un champion bien spécial. Georges St-Pierre devrait arriver d'une minute à l'autre. Il n'y a jamais de surprise avec lui: l'athlète québécois le plus connu de la planète est réglé comme un métronome.

«Il va arriver dans 30 minutes exactement, prédit l'entraîneur. Il va toujours déjeuner à la même place, avant. Quand il arrive, il se change et fait sa routine. Pour lui, les rituels sont extrêmement importants.»

Parfois, raconte Patrick Beauchamp, lorsqu'un accessoire d'entraînement est déplacé d'un centimètre, Georges St-Pierre arrête tout et va le replacer. «Il est très méthodique, à la limite de l'obsession, lâche l'entraîneur dans un éclat de rire. Georges le sait, il est le premier à le dire.»

Le combattant ultime arrive pile-poil à l'heure. Une fois changé, il commence un entraînement d'une heure et demie unique dans les sports de combat. Quel autre athlète payé pour se battre dans un ring s'entraîne en tourbillonnant sur des anneaux et en faisant des sauts périlleux? La réponse: aucun.

Georges St-Pierre commence par une série de mouvements au sol. Il enchaîne sur les barres parallèles et passe ensuite aux anneaux. Tous les exercices visent à lui faire acquérir puissance et flexibilité. Les mouvements sont simples. Georges St-Pierre fait de la gymnastique depuis un an et demi et en est encore à la base. «Il fait de la gymnastique d'enfant dans un corps d'homme, illustre l'entraîneur. Mais il est très fort. On peut le pousser à bout.»

La «gymnastique d'enfant» n'a en effet rien de bien reposant. Pendant 90 minutes, le combattant ultime grimace de douleur. Il pousse chacun de ses mouvements à la limite du tolérable. Mais entre les exercices, le natif de Saint-Isidore, en Montérégie, se détend et rigole avec son entraîneur. Son esprit semble à des lieux du combat de championnat qu'il doit livrer à Carlos Condit, le 29 octobre, devant des milliers de fans à Las Vegas.

«Quand je suis ici, je ne pense à rien d'autre, explique St-Pierre, une fois son entraînement terminé. C'est vraiment difficile et ça prend toute ma concentration. En gymnastique, les exercices sont classés de A à F, A étant les plus faciles et F les plus difficiles. Moi, j'ai encore de la difficulté à faire les exercices de classe A.»

La gymnastique s'inscrit dans un programme réglé au quart de tour pour affûter GSP comme un couteau. «Ça, c'est son horaire», lance l'un des gérants de l'athlète, Philippe Lepage, en indiquant l'écran de son portable. Un document s'affiche avec des dizaines de cases. Chacune est occupée par un événement.

Il y a beaucoup d'entraînements: boxe, haltérophilie, lutte olympique, sprints, yoga, ju-jitsu... Deux séances par jour. Puis, il y a la promotion, une séance de photo pour un commanditaire par exemple. Il y a même une case où l'on peut lire «coupe de cheveux». Pas de doute, l'homme est occupé.

«C'est comme ça tout le temps. Il a pris cinq jours de vacances à Nice cet été, ses seules vacances de l'année, explique Philippe Lepage. Et même là, je pense qu'il s'est entraîné! Georges, il n'y a pas une journée qui passe sans qu'il s'entraîne. Regarde sa shape, il est comme ça à l'année.»

Une fois la séance de gymnastique terminée, GSP va aller se faire masser. Il va ensuite manger, faire la sieste, puis se rendre dans un gym de boxe pour se préparer dans le cas où son prochain combat ne se déroulerait pas au sol. Le lendemain, il recommence. «C'est un horaire militaire», dit Philippe Lepage.

Bien des combattants ont du mal à se motiver à l'entraînement. À la fin de sa carrière, Mohammed Ali ne pouvait plus voir un punching bag sans avoir la nausée. «Je vais faire 1,3 million pour ce combat, mais je donnerais avec joie 1 million de cet argent juste pour être dans ma condition d'aujourd'hui sans avoir dû m'entraîner», disait Ali à la veille de son affrontement contre George Foreman au Zaïre.

Georges St-Pierre ne prononcerait pas cette phrase. Il semble vivre pour s'entraîner. Ses journées sont dédiées à devenir un meilleur combattant. Le yoga? «Ça me relaxe et ça étire mes muscles». La gymnastique? «La gymnastique, ça aide à l'explosion, à la coordination, à la flexibilité. Ça m'aide à être un meilleur martial artist

«Mais mon seul regret, c'est que j'aurais dû faire de la gymnastique quand j'étais jeune. J'aurais été un bien meilleur athlète aujourd'hui. Quand j'étais ado, je levais des poids comme un culturiste. On regardait Arnold Schwarzenegger et on pensait que c'est comme ça qu'il fallait s'entraîner.»

Il prend une pause, réfléchit, et lance: «J'ai 30 ans, et avec le recul, si j'avais à refaire ma carrière, je referais de la gymnastique plus tôt.»

Le journaliste sourcille. GSP est au sommet de son art. Il s'apprête à défendre sa ceinture pour une septième fois d'affilée. Il est la coqueluche de l'UFC, le plus grand circuit d'arts martiaux mixtes au monde. Il empoche des centaines de milliers de dollars à chacun de ses combats. Et il a des regrets?

L'athlète rit, semble gêné, puis l'avoue tout bonnement. «Oui, je suis un peu perfectionniste...»

Photo: Marco Campanozzi, La Presse

Georges St-Pierre à l'entraînement avec Patrick Beauchamp.