Les prochains Jeux olympiques de Londres, l'été prochain, seront les derniers d'Émilie Heymans. Heureusement, la relève canadienne est déjà prête. À 19 ans, Jennifer Abel s'est établie cette année comme l'une des meilleures plongeuses de la planète, signant sa première victoire sur le circuit international. Elle en veut beaucoup plus.

Jennifer Abel a eu la piqûre. Celle de la victoire. Ça s'est passé le 18 février, au Grand Prix d'Espagne. La plongeuse lavalloise de 19 ans y a remporté sa première grande compétition internationale au tremplin de 3 mètres.

Abel s'est sentie «toute molle» quand elle a vu son nom trônant au sommet du tableau indicateur avant son dernier plongeon. Ses nerfs ne l'ont pas trahie.

Depuis, elle n'a qu'une idée en tête: revivre ce «feeling incroyable». «C'est comme si c'était une drogue légale. J'ai tellement aimé ça que je veux toujours le ravoir», a lancé Abel, mercredi, lors de la conférence de presse de la Coupe Canada de plongeon, qui se déroule jusqu'à dimanche au Parc olympique de Montréal.

Le prochain sentiment euphorique ne devrait pas tarder.

Jeudi, après avoir dominé les préliminaires, Abel a fini deuxième de sa demi-finale au tremplin de 3 m. Son résultat en préliminaires (354,85 points) lui a valu une sélection automatique pour les Mondiaux de Shanghai, en juillet prochain, au même titre que sa coéquipière Émilie Heymans, deuxième de l'autre demi-finale. La finale sera présentée samedi à 14 heures.

«Le but aujourd'hui était de me qualifier pour les championnats du monde, ma participation à la finale est donc un plus », a confié Abel, qui s'avouait fatiguée par la succession des compétitions et très nerveuse par rapport à cette sélection pour Shanghai. «Je suis contente de voir que j'ai réussi mon meilleur pointage dans une situation stressante. Je suis amplement satisfaite. Je ne peux pas demander mieux.»

Un déclencheur

L'ascension internationale d'Abel n'est pas une surprise.

Elle n'avait pas 17 ans quand elle a pris le 13e rang aux Jeux olympiques de Pékin, ratant la demi-finale par une place. Aux Mondiaux de Rome, l'été suivant, elle a fini 11e. En juin dernier, elle a raté le podium de peu à la Coupe du monde de Changzhou, le rendez-vous le plus relevé de l'année. Puis, à l'automne, elle a décroché trois médailles aux Jeux du Commonwealth de New Delhi, dont l'or au 1 m et au 3 m synchro avec Heymans.

Mais le véritable déclencheur a été sa victoire au Grand Prix d'Espagne. «Je me suis dit: enfin, ça m'arrive à moi.»

Elle n'est jamais redescendue de son nuage. Aux Séries mondiales de la FINA, circuit de prestige réunissant les huit meilleures de chaque discipline, Abel est montée sur le podium à chacune des quatre compétitions. Elle a mis la main sur l'argent lors de la dernière manche, la semaine dernière au Mexique. Elle a connu autant de succès en synchro avec Heymans.

«Je ne suis pas encore tout à fait rendue au niveau des meilleures Chinoises, mais ça s'en vient», confie-t-elle avec lucidité. «J'ai remarqué que je suis capable de mieux gérer mes émotions même si je sais où je me situe durant une compétition.»

Selon Michel Larouche, Abel fait dorénavant partie «des meilleures athlètes internationales». Surtout sur le plan technique. «Un peu comme Alexandre (Despatie) pendant une certaine période, c'est une leader, c'est elle qui tire le monde», dit l'ex-coach de Despatie, aujourd'hui entraîneur-chef national.

Même les Chinoises? «Même les Chinoises, répond Larouche. Leur seul avantage est au niveau esthétique. Leurs lignes sont un peu plus fines, leurs entrées à l'eau plus "propres". Jennifer travaille pour réussir des entrées similaires. Ça va venir.»

Élément incontournable d'un sport noté, Abel doit continuer à asseoir sa réputation auprès des juges internationaux, ajoute Larouche. «Elle a un travail politique à faire, constate-t-il. En gagnant des médailles, tu obtiens le bénéfice du doute. Quand tu te présentes sur le tremplin, les juges s'attendent à un bon plongeon. Pour n'importe quel plongeur chinois, ça vient avec la réputation du pays. Pour les autres athlètes, ça se gagne avec le temps.»

La campagne de séduction d'Abel est déjà bien amorcée.