D'anciennes vedettes de la NFL occuperont vos écrans demain à l'occasion du Super Bowl: Troy Aikman, Terry Bradshaw, Howie Long. Il n'y a d'ailleurs pas beaucoup de place à la télé pour les footballeurs dont la carrière a été plus obscure puisque les Dan Marino, Shannon Sharpe, Boomer Esiason, Cris Collinsworth, Jerome Bettis, Tiki Barber, Matt Millen et compagnie semblent prendre toute la place.

On vit le phénomène inverse au Québec. Les grands joueurs sont presque tous absents de l'écran: Denis Savard, Guy Lafleur, Gilbert Perreault, Pierre Turgeon, Mario Lemieux, Luc Robitaille, Raymond Bourque, Patrick Roy, Michel Goulet, pour nommer les principaux.

Ceux qui mènent les plus belles carrières médiatiques dans le sport au hockey sont soit d'anciens durs à cuire - Enrico Ciccone, Dave Morissette, P.J. Stock, Georges Laraque - soit des hockeyeurs dont l'impact a été plus limité, comme Joël Bouchard, Benoît Brunet, Marc Bureau, Mario Tremblay, Marc Denis, Éric Fichaud, Denis Gauthier ou encore la panoplie d'anciens entraîneurs.

Stéphan Lebeau et Philippe Boucher entrent peut-être dans une catégorie à part puisque, sans être des vedettes, ils ont été des joueurs importants au sein de leur équipe respective.

«On recherche d'abord les meilleurs communicateurs, explique Charles Perreault, vice-président à l'information chez RDS. Si la vedette ne dit pas grand-chose à l'écran, nous ne sommes pas plus avancés. N'oublions pas non plus que plusieurs de nos grands joueurs ne sont pas rentrés au Québec après leur retraite. Denis Savard vit encore dans la région de Chicago. Gilbert Perreault a longtemps vécu à Buffalo. Michel Goulet au Colorado. Patrick Roy est devenu entraîneur des Remparts de Québec.»

Les salaires faramineux versés aux joueurs depuis une décennie ou deux peuvent aussi expliquer le phénomène, croit l'animateur Michel Villeneuve qui, en plus des Amateurs de sports à CKAC, anime désormais l'émission sportive de fin de soirée Le match à TVA, en compagnie entre autres de Ciccone, Laraque et Morissette.

«Les athlètes sont riches aujourd'hui et ça peut constituer un handicap. S'ils sont indépendants de fortune, ils ne veulent pas nécessairement faire les sacrifices auxquels ils ont consenti pendant leur carrière en s'éloignant de leur famille. C'est très différent au football parce que les rendez-vous sont ponctuels. Il y a un match par semaine et les saisons sont moins longues. Et ceux qu'on voit régulièrement à l'écran sont à la télé nationale, pas locale, ils touchent tous plus d'un million par année. Les salaires ne sont pas les mêmes au Québec et les horaires sont beaucoup plus exigeants avec des matchs tous les deux jours.»

Charles Perreault acquiesce. «Nous en avons approché plusieurs. Vincent Damphousse n'était pas intéressé. Éric Desjardins serait très bon lui aussi, mais il n'a pas accepté non plus. Il y a eu Mike Bossy à l'époque. C'est peut-être le seul membre du Temple de la renommée qu'on a vu à l'écran. Mais il a arrêté en plein milieu de la saison pendant la guerre du Golfe. Les voyages lui pesaient trop.»

Reste, selon Michel Villeneuve, que les durs à cuire, les plombiers et les entraîneurs sont probablement les mieux qualifiés pour le boulot. «La plupart de nos vedettes québécoises au hockey ne sont pas des personnalités chaleureuses proches du public. Les gens s'identifient à eux à titre de vedettes, ils sont intouchables, alors que le plombier est plus proche du monde. Ç'a commencé avec Pierre Bouchard. Les gens le rencontrent encore sur la rue et ils ont l'impression que c'est leur beau-frère. Ce sont des gars ordinaires qui ont travaillé dur comme le public, des cols bleus qui ont reçu des claques sur la gueule.

«Les durs à cuire ont aussi toujours eu de bonnes relations avec les médias, poursuit Villeneuve. Ce sont tous de maudits bons gars. As-tu déjà connu un tough qui était chiant? Ce sont tous de grands sensibles qui ont besoin de se sentir aimés parce qu'ils font un travail ingrat. Je ne suis pas psychologue, mais il y a sûrement quelque chose derrière ça. Et travailler pour eux est une seconde nature. La vedette peut jouer jusqu'à 40 ans mais pas le dur à cuire. En plus, ils n'atteignent pas la LNH aussi rapidement. Ils ont tous un parcours sinueux.»

Villeneuve lui-même s'identifie davantage à ces hockeyeurs dont le parcours a été plus difficile. «Moi aussi, je ne suis pas un gars hyper talentueux, mais j'ai travaillé pour être bon. Eux, en plus, ils veulent faire disparaître les préjugés à leur endroit. Ils travaillent fort pour changer leur image. Ils ne veulent plus que les gens, encore moins leurs enfants, les perçoivent pour ce qu'ils ont été sur la glace. «Cicco» est retourné à l'université. Dave n'a pas beaucoup de scolarité, mais à force d'efforts, il a réussi à faire carrière dans les médias. Il faut avoir un vécu tourmenté, comme les grands acteurs. Je les ai tous vu passer en 36 ans de carrière. Ceux qui se développent le mieux sont les plombiers.»