Gary Bettman doit être mort de rire.

Avec la pluie de démissions du week-end, l'Association des joueurs de la LNH apparaît plus divisée que jamais - ce qui n'est pas peu dire, quand on connaît la propension aux déchirements du syndicat autrefois dirigé par Alan Eagleson.

«Autodestruction, c'est le bon mot», dit Vincent Damphousse, vice-président de l'Association à l'époque du lock-out de 2004-2005. «Il semble y avoir des cliques au sein de l'Association, ce qui n'est jamais bon pour une union.»

Résumé des derniers épisodes: deux mois après avoir joué un rôle crucial dans la mise à la porte du directeur de l'Association, Paul Kelly, son remplaçant intérimaire, l'avocat Ian Penny, a quitté la barque à son tour, se disant victime de congédiement déguisé.

Dans une lettre aux 30 joueurs qui composent le comité exécutif de l'Association, Penny s'attaque à Chris Chelios, qu'il accuse d'avoir «créé un environnement de travail hostile, fracturé, où règne la méfiance», digne d'un «régime répressif et totalitaire». Son départ a été suivi de celui d'une demi-douzaine de membres du comité consultatif de l'Association.

Pourquoi tant de haine envers le si gentil (hum!) défenseur de 47 ans? Il y a deux semaines, le comité exécutif a donné à Chelios - qui joue présentement pour les Wolves de Chicago, dans la Ligue américaine -, Nicklas Lidstrom, Mark Recchi et Rob Blake le mandat d'examiner les opérations de l'Association des joueurs, dans la foulée du congédiement inattendu de Kelly, le 31 août.

Penny a jugé que le comité de Chelios, qui mettait son nez partout, ne lui permettait plus de faire son travail. Il a décidé de partir. Résultat: l'Association semble complètement désorganisée. «Les joueurs sont chanceux de ne pas être en négociation pour leur convention collective, dit Damphousse, parce qu'ils ne font pas preuve d'une grande solidarité.»

C'est le moins qu'on puisse dire. S'ils ne veulent pas se faire manger tout rond, les joueurs n'auront d'autre choix que de se prévaloir de l'option qui leur permet de prolonger d'une année la convention, au-delà de sa fin prévue en 2011. Le prochain patron de l'Association des joueurs aura besoin de tout le temps dont il pourra disposer pour rebâtir l'unité parmi ses 750 membres.

Le nom de Chris Chelios apparaît en filigrane dans la succession de coups d'État qui ont déchiré l'Association. Avec Eric Lindros et quelques autres, il était à la tête du groupe dissident qui, avec l'appui de Ian Penny, a eu la tête du prédécesseur de Kelly, Ted Saskin. En tentant de combattre la mutinerie, Saskin avait eu la très mauvaise idée d'espionner les courriels de certains joueurs - ce qui lui a valu de perdre son job.

Chelios a ensuite fait partie en 2007 du comité qui a recommandé la nomination de Paul Kelly, un avocat respecté de Boston, célèbre pour avoir fait condamner Alan Eagleson pour fraude en 1998.

Kelly ne s'est malheureusement jamais entendu avec Ian Penny. Et quand le comité exécutif, à 25 voix contre cinq, a décidé de le virer au terme d'une longue réunion qui a pris fin à 3:30 du matin, le 31 août, c'est Chelios, qui d'autre, qui a lu le verdict. «Nous avons pris une décision en toute connaissance de cause, c'est la bonne décision et nous savons que nous faisons ce qui est le mieux pour notre association», a-t-il alors dit.

Deux mois plus tard, Chelios, encore lui, semble la cause du départ de son ancien allié Penny et on murmure même qu'il souhaite le retour de Kelly.

Assez!

«Il est comme un chien sur un os, dit Damphousse au sujet de Chelios. Il joue au hockey comme ça et il est comme ça dans la vie. Ce n'est pas pour rien qu'il joue encore à 47 ans!»

Que l'Association des joueurs de la LNH soit carrément dysfonctionnelle ne serait pas si grave si les orientations qu'elle prend n'avaient pas un impact direct sur le sport préféré de millions de Canadiens et d'Américains.

Une Association affaiblie signifie que le point de vue des joueurs risque d'être ignoré sur des enjeux aussi importants que la participation des joueurs aux Jeux olympiques, le déménagement de franchises ou les coups à la tête. Une Association affaiblie signifie que Bettman et les propriétaires ont carte blanche. Pas sûr que ce soit une très bonne idée.

L'Association des joueurs doit de toute urgence se trouver un nouveau leader - non, pas Chris Chelios. Paul Kelly était l'homme de la situation et n'aurait jamais dû être congédié, mais son retour risquerait d'accentuer les dissensions. Il faudra donc trouver du sang neuf... en espérant que des candidats d'envergure soient assez masochistes pour tenter leur chance.

Il faudra aussi modifier encore la constitution de l'AJLNH. On ne gouverne pas un syndicat avec 30 paires de main sur le volant. «Il y a des fuites dans les médias dans les minutes qui suivent chaque appel conférence. Et quand tu négocies, c'est encore pire, déplore Damphousse. Il faut que ce soit un plus petit groupe, ça ne peut pas se faire à 30.» En attendant, Gary Bettman continue à rigoler doucement.