J'espère que les amateurs de hockey qui s'obstinent à défendre Mike Richards prendront quelques minutes de leur précieux temps pour écouter ce que Keith Primeau a à dire au sujet des coups à la tête.

L'ancien capitaine des Flyers était l'invité de Darren Dreger sur les ondes d'une radio torontoise, mardi midi, et il a livré un vibrant plaidoyer en faveur de l'interdiction des coups à la tête au hockey.

Un géant de 6 pieds 5 et 235 livres, Primeau s'est démarqué par son jeu physique durant toute sa carrière dans la LNH. Difficile de le ranger dans la catégorie bien commode des «moumounes qui ne connaissent rien au hockey». Si ça se trouve, il en connaît trop long à son goût: il n'avait que 34 ans quand il a été forcé de prendre sa retraite, en 2006, victime du syndrome post-commotion cérébrale.

Primeau n'y va pas par quatre chemins: la LNH doit bannir et rendre punissables les coups à la tête, y compris les mises en échec jusqu'ici légales (ou peut-être pas) comme celle de Richards, qui a envoyé à l'hôpital David Booth, des Panthers de la Floride.

«La tête devrait être hors limites, dit-il. Il y a un problème quand un joueur sans défense dans le coin de la patinoire, au centre de la glace ou devant le filet, reçoit un coup de coude, d'épaule ou de bâton à la tête et se retrouve ensuite incapable de parler normalement pendant des semaines.

«Je sais qu'un joueur de hockey accepte les risques inhérents à son sport, mais j'ai quand même une vie à vivre. Les commotions cérébrales affectent un joueur bien après qu'il ait pris sa retraite. Nous sommes des êtres humains. C'est ça qui me dérange: on semble l'oublier.»

Les partisans qui applaudissent le geste de Richards et qui critiquent Booth pour ne pas avoir «levé la tête» devraient prendre des notes. Leurs armures leur donnent peut-être des airs de Robocop, mais les joueurs de hockey ne sont pas des mastodontes indestructibles.

En fait, ces armures les rendent même plus vulnérables qu'autrefois. Faites-vous retrousser le menton par une épaulière en plastique rigide, pour voir. Vous risquez de souffrir pas mal plus que si le joueur adverse portait les petites épaulettes molletonnées d'il y a 30 ans. Surtout que les joueurs actuels sont beaucoup plus costauds, plus rapides et plus forts qu'à l'époque.

La société évolue

L'équipement n'est pas le seul à avoir évolué. La société aussi. Aujourd'hui, tout le monde porte la ceinture de sécurité. On ne fume plus dans les restaurants et les bars. Et de plus en plus d'athlètes, comme Keith Primeau, remettent en question les risques insensés qu'ils sont forcés de prendre dans leur travail.

Pas plus tard qu'hier, le commissaire de la NFL Roger Goodell, le directeur de l'Association des joueurs DeMaurice Smith et une flopée de médecins et d'anciens joueurs ont comparu devant le comité judiciaire du Congrès américain pour discuter du fléau des blessures à la tête. De plus en plus d'études sérieuses associent les traumatismes répétés à l'apparition précoce de maladies cognitives comme l'alzheimer.

L'ancien porteur de ballon des Steelers de Pittsburgh, Merrill Hoge, qui a souffert de pertes de mémoire après sa carrière, a rappelé un fait évident, mais trop souvent négligé: «Le cerveau est le plus vital et le plus sensible des organes du corps humain. Sans lui, nous ne fonctionnons pas.» Un genou ou une hanche, ça se remplace. Une tête? Pas vraiment.

La NFL a fait du chemin au cours des dernières années. Elle a notamment adopté de nouveaux règlements pour protéger les joueurs sans défense, comme les quarts-arrières et les receveurs de passes. L'intérêt manifesté par le Congrès laisse présager que ces progrès vont continuer, comme cela a été le cas avec le baseball majeur et les stéroïdes.

Malheureusement, la LNH est trop insignifiante au sud de la frontière pour que les législateurs américains s'intéressent au hockey et exercent sur lui une influence positive. La LNH ne peut donc compter que sur elle-même pour enrayer la problématique des blessures à la tête, qui a déjà coûté la carrière et gâché la vie de trop de joueurs, de Keith Primeau à Eric et Brett Lindros en passant par Pat LaFontaine et Scott Stevens.

Oui, les joueurs devraient être assez intelligents et avoir assez de respect les uns envers les autres pour ne pas viser la tête de leurs adversaires. Mais on le voit bien, ça ne se passe pas comme ça dans la vraie vie. Les joueurs ne veulent pas passer pour des mous. Et n'hésitent donc pas, si l'occasion se présente, à arracher la tête d'un opposant, qu'il s'appelle David Booth, Darcy Tucker, Jonathan Toews ou Marc-André Bergeron. Et au diable les conséquences.

Le changement ne viendra malheureusement pas des joueurs. L'initiative doit venir d'en haut. La Ligue nationale doit rendre hors la loi les coups à la tête.

Le plus tôt sera le mieux.