Robin Soderling a failli tomber dans le piège. En quart de finale, mercredi, il avait pratiqué un jeu étincelant et fait preuve d'une solidité sans faille contre le numéro un mondial, Roger Federer. Face au plus grand joueur de l'histoire du tennis, le Suédois n'avait strictement rien à perdre, et même une défaite honorable aurait été un exploit. Finalement, il a joué sans complexe ni appréhension, et après un premier set perdu, a aligné les as, les services gagnants et les coups droits dévastateurs.

En demi-finale, hier, c'était une autre histoire. Soderling avait tellement bien joué depuis le début du tournoi qu'il était devenu le super-favori contre le Tchèque Tomas Berdych, 24 ans, simple 17e mondial. Pour Soderling, la demi-finale s'annonçait comme une formalité. Tout le monde en était à la finale annoncée demain contre Rafael Nadal. Et tout le monde l'espérait, bien sûr, en songeant à la victoire époustouflante de Soderling, l'année dernière, contre le roi de la terre battue.

 

Mais Berdych, tout comme Soderling lui-même, est un joueur qui peut battre les meilleurs lorsqu'il est en forme. Il a déjà atteint le neuvième rang mondial (en 2007) et, au cours de ce tournoi, il a tout de même balayé coup sur coup le quatrième mondial, Andy Murray, puis le 14e, Mikhail Youzny. Et en trois sets. Le puissant serveur était donc lui aussi en grande forme cette année.

Le duel entre les deux grands cogneurs de fond de court a commencé comme on s'y attendait. Manifestement, l'état de grâce se poursuivait pour Soderling, à qui presque tout réussissait. Le Soderling du quart de finale contre Federer. Après 41 minutes, la première manche était empochée sur le score de 6 à 3.

La deuxième manche a commencé sur le même tempo: Soderling avait la partie en main. Et puis, soudain, au quatrième jeu, le vent tourne. Berdych s'empare du service du Suédois, qui commence à multiplier les fautes directes. On est à 3-1, puis à 4-1. Soderling parvient tout juste à endiguer l'offensive grâce à son service (il alignera 18 as sur cinq sets), et remporte à deux reprises son engagement. Mais la pente est fatale, et il perd la manche par 6 à 3. La confiance change de camp.

À la troisième manche, le jeu de Soderling devient tellement irrégulier, et certaines fautes si bizarres qu'on se demande si à son tour le joueur n'a pas de vrai problème physique. Il grimace, se parle à lui-même, se prend le front. Il s'empare du service de Berdych, puis concède le sien. Berdych n'est pas non plus un modèle de régularité, mais à la fin du match, il n'aura commis que 42 fautes directes contre 63 pour Soderling. Celui-ci n'est pas dans un bon jour. Dans un moment d'énervement, il finit par fracasser sa raquette sur la terre battue. Résultat: 7 à 5 pour Berdych.

Suivent deux manches plutôt incertaines, où Soderling reprend le contrôle du jeu, puis se remet à faire des fautes. Le bras de fer reste totalement incertain. Quelques coups droits meurtriers du Suédois font la différence et il gagne la manche par 6 jeux à 3.

Soderling a-t-il repris l'ascendant sur le Tchèque? Il entame la cinquième manche en lui prenant son service sur un jeu blanc. Mais s'empresse de perdre son engagement aussitôt après. La partie en zigzag continue. Jusqu'au fameux septième jeu, où Soderling prend de nouveau le service de Berdych sur un fabuleux passing réussi en bout de course. Il mène par 4 jeux à 3 et réussira à conserver son avantage jusqu'à 5-3, puis à s'emparer une dernière fois du service de Berdych, gagné par le stress.

«Je n'ai pas très bien joué aujourd'hui, a simplement dit Soderling après sa victoire, mais le principal c'est quand même de gagner. D'autant plus que Berdych a particulièrement bien joué aujourd'hui. Et pour moi, de me retrouver de nouveau en finale à Roland Garros, c'est tout simplement le rêve.»

Odeur de revanche

La revanche sur le Roland-Garros 2009 aura donc lieu. Soderling avait créé la surprise en éliminant en huitième de finale un Rafael Nadal quelque peu diminué physiquement. Cette année, il aura fort à faire lors de la finale de demain. Nadal est tout simplement revenu à son meilleur niveau et paraît invincible sur terre battue. Il a tout pour lui, sauf un service dévastateur: la puissance, la capacité défensive, l'endurance et un mental à toute épreuve. Même quand on s'empare du service de l'Espagnol en début de manche, cela ne le trouble en aucune manière, et il reprend le commandement au jeu suivant.

Cette année, son parcours a été tout simplement parfait. Face à lui, les joueurs de tout niveau se divisent en deux catégories: ceux qui se font balayer sans même résister, tel Lleyton Hewitt au troisième tour (6-3, 6-4, 6-3). Et ceux qui réussissent à faire bonne figure, tel son compatriote Nicolas Almagro qui l'a poussé à deux jeux décisifs en quart de finale. Ou le vétéran autrichien Jurgen Melzer qui, hier en demi-finale, a lui aussi réussi, après deux manches expéditives, à forcer le roi Nadal à disputer un jeu décisif. Comme les autres, il a été battu en trois manches (6-2, 6-2, 7-6 (6)), mais a eu droit à l'ovation du public pour son courage.

Gros programme en vue pour Soderling demain après-midi sur le court central de Roland-Garros.