Un coup. Seulement un petit coup. C'est tout ce qui séparait Julien Trudeau d'une carte de membre de la PGA en décembre dernier aux épreuves finales de qualifications (Q-School). Mais leQuébécois installé en Arizona depuis 1991 se console. Il est maintenant membre du circuit Nationwide, la porte d'entrée de la PGA.

Le 7 décembre dernier, au club Bear Lakes de West Palm Beach, Julien Trudeau a siroté du café dans le vestiaire. Puis une bière dans le stationnement. L'attente allait être longue.

 

Grâce à un roulé de huit pieds au dernier trou, il venait de terminer le Q-School à -8. Dans cinq heures, le dernier golfeur aurait complété sa ronde. Et Trudeau saurait s'il s'était classé dans le top 25, méritant ainsi une carte de membre de la PGA.

Il a finalement terminé 26e. «Honnêtement, je n'étais pas si nerveux sur les derniers trous, raconte-t-il au téléphone de sa voix paresseuse. Je me disais que j'étais pas mal assuré de me qualifier au moins pour le Nationwide. Ça m'enlevait de la pression.»

Le Q-School ressemble à un croisement entre un match de golf et une crise d'angine. Probablement le tournoi le plus stressant qui soit. Car des golfeurs au statut souvent précaire y jouent leur avenir. Par exemple, Julien Trudeau avait eu besoin de 4000$ de ses amis pour payer les frais d'inscription, de logement et de transport. Mais malgré tout, le jeune professionnel de 28 ans restait calme, ou presque. Quand il raconte nonchalamment son histoire au téléphone, on le croit. Cette tranquille assurance explique peut-être pourquoi il représente aujourd'hui la meilleure chance de voir un Québécois évoluer bientôt dans la PGA à temps plein.

La route, depuis Tempe

Si Trudeau reste plutôt méconnu au Québec, c'est parce que sa famille a quitté la province en 1991 pour s'installer en Arizona. Il avait alors 11 ans.

Après son cours secondaire dans une école publique de Scottsdale, il décroche une bourse à la Wichita State University. Il obtient un diplôme en commerce en 2003. Après quelques tournois disputés au Québec, dont une deuxième place au Championnat amateur en 2003, il devient pro en 2004.

Pas toujours facile, la vie de jeune pro. «Il y a des moments où je réalisais que mon roulé de 10 pieds, il me le fallait pour payer le loyer, se souvient-il. À l'été 2007, il ne me restait plus un sou. J'enseignais dans un club en Californie pour amasser un peu d'argent. Mais ça ne suffisait pas à payer les tournois. Deux membres m'ont alors prêté 500$ chacun pour que je joue dans le San Francisco Open. Ma deuxième place m'a donné 3000$. J'ai utilisé l'argent pour m'inscrire au tournoi suivant, où mon top 10 m'a valu 8000$. Et la semaine suivante, j'ai gagné un tournoi et un chèque de 20 000$.»

Trudeau habite à Tempe avec son frère, son seul lien quotidien avec le Québec. «On essaie de se parler en français pour garder notre langue, précise-t-il. On s'est même commandé l'option LNH sur le satellite pour regarder tous les matchs.»

Mais il a rarement le temps d'en profiter. Depuis quelques années, il vit dans ses valises et sur les autoroutes américaines. «La route ne me dérange pas, j'aime ça, raconte-t-il. En voiture, j'écoute de la musique comme du George Strait ou du Dave Matthews, je fais le vide. Ça ramène un équilibre.»

Tant mieux, car le voyagement va bientôt augmenter. Dans deux semaines commencera en Nouvelle-Zélande la saison du circuit Nationwide. Trudeau planifie de jouer la grande majorité des 29 tournois au calendrier, qui se déroulent presque tous aux États-Unis. «L'objectif est simple: finir parmi les 25 meilleurs boursiers, lance-t-il. Ça me donnerait une carte de membre de la PGA en 2011. Il faut juste que je me concentre sur mon jeu. Les autres gros noms, je sais que je peux les battre. J'en ai battu pas mal en décembre dernier.»