«Préoccupés», «inquiets»: les dirigeants du Canadien de Montréal ont clairement exprimé leur malaise hier. Ils réagissaient aux informations publiées par La Presse, qui a révélé les relations des frères Andrei et Serguei Kostitsyn et du défenseur Roman Hamrlik avec Pasquale Mangiola, accusé de trafic de drogue. Le Canadien promet de serrer la vis, mais des spécialistes estiment que la crise ne devrait durer qu'un temps.

«Ce n'est pas le genre de comportement qui est à l'image de nos employés ou de notre organisation.»

Le regard sombre, les traits tirés, le directeur général du Canadien de Montréal, Bob Gainey, n'était pas d'humeur à rire, hier après-midi. Au moment où le Tricolore vit sa pire crise de la saison sur la glace, Gainey doit maintenant composer avec une autre crise: les fréquentations douteuses de trois de ses joueurs.

Comme l'a révélé La Presse hier, deux attaquants du Canadien, les frères Andrei et Serguei Kostitsyn, sont de grands amis de Pasquale Mangiola. Ce dernier, l'un des suspects de l'opération Axe contre le crime organisé, est aussi accusé de trafic de drogue. Le défenseur Roman Hamrlik, un autre joueur du Canadien, gravite lui aussi dans l'entourage du trio. Les trois joueurs ne sont toutefois soupçonnés d'aucune activité criminelle.

Les révélations de La Presse ont manifestement ébranlé l'état-major du Canadien.

«Nous sommes très préoccupés», a laissé tomber Bob Gainey pendant l'entraînement de l'équipe, hier après-midi à Brossard.

«Je n'ai pas parlé aux trois joueurs concernés, a ajouté le directeur général. Nous avons tenu une rencontre ce matin (hier) avec tous les joueurs de l'équipe à propos de l'article publié dans La Presse. Nous avons discuté de mode de vie, des choix qu'un joueur doit faire, des gens qu'il peut rencontrer... Je peux seulement me fier à ce que je sais, et ce que je sais n'est pas très bon.»

Onde de choc

L'enquête exclusive de La Presse n'a pas manqué de provoquer une onde de choc dans le monde du hockey. Hier matin, les dirigeants de la Ligue nationale de hockey ont exprimé leurs inquiétudes et ont laissé savoir qu'ils allaient lancer leur propre enquête pour faire toute la lumière sur cette affaire.

On a aussi appris qu'Yvan Delorme, le chef de police de la Ville de Montréal, a rencontré hier Pierre Boivin, le président du Canadien, pour discuter de l'affaire.

Bob Gainey, lui, a admis un certain sentiment d'impuissance face à la tournure des événements.

«La vie change, a-t-il fait remarquer. La génération des 18-22 ans est différente de la mienne... Cette génération de joueurs a d'autres problèmes, des problèmes que je peux difficilement comprendre... Il faut mieux les éduquer.»

«Je ne suis pas naïf, a-t-il ajouté. J'ai déjà joué dans cette ligue, mais c'était une autre époque. Quand un joueur ne peut atteindre son potentiel par sa propre faute, alors il laisse tomber ses coéquipiers. Est-ce que ces comportements nuisent aux performances de l'équipe? C'est ce que nous tenterons de savoir.»

Le directeur général du Canadien a reconnu que cette affaire inquiétait au plus haut point les dirigeants de l'équipe. «Nous sommes très préoccupés... Nous savons que cette personne (Pasquale Mangiola) n'est pas la seule qui cherche à avoir accès au cercle privé de notre équipe. Ce n'est pas surprenant quand on réalise le nombre de gens qui tentent d'étendre leurs tentacules sur notre organisation.»

De son côté, l'entraîneur de la formation montréalaise, Guy Carbonneau, a lui aussi tenu à partager les inquiétudes de son directeur général.

«C'est sûr que c'est inquiétant, a admis Carbonneau. C'est décevant. On essaie de bien encadrer nos joueurs, mais on n'est pas naïfs au point de penser que cette équipe est à l'abri de tout. Le monde est fait de cette façon, c'est une réalité, on va s'ajuster en conséquence.»

«Tout le monde veut être vu avec un joueur de hockey. On essaie de protéger nos joueurs, mais c'est impossible de le faire à longueur d'année. C'est juste que ça arrive à un mauvais moment», a ajouté l'entraîneur.

Main de fer

Cet incident va sonner la fin de la récréation, a juré Guy Carbonneau. Sans donner plus de détails, il a promis qu'il allait dorénavant diriger son équipe d'une main de fer. «La corde va être serrée, pas mal à part ça», a dit l'entraîneur montréalais, avec du feu dans les yeux.

Pour sa part, le joueur vedette Alex Kovalev, qui a repris l'entraînement hier à la suite d'un congé imposé par la direction de l'équipe, a prédit que cette affaire n'allait pas nuire au rendement du club.

«Il n'y a pas de distraction, a insisté l'attaquant russe. Les médias font leur travail, on fait le nôtre. Ces histoires ne m'atteignent pas. Les gens racontent des choses, c'est leur droit. Mais je n'y vois pas une source de distraction.»