Méconnue en Amérique, la canne française lance une offensive séduction. À Montréal, un petit groupe tente de faire connaître ce sport de combat ancestral, hérité des aristocrates du 17e siècle.

«On est revenus la tête haute.»

En septembre dernier, Claude Rose, Yanick Robert. Alex Deneault et Marie-Hélène Proulx, sont allés en Allemagne pour représenter le Canada au deuxième Championnat du monde de canne de combat. L'équipe était incomplète (il faut normalement six joueurs) et extraordinairement négligée. Mais contre toute attente, elle a terminé troisième sur le podium.

 

«On a donné du fil à retordre aux Français, qui sont maîtres de cette discipline. Ils ont été surpris de nos performances», lance Marie-Hélène Proulx, désormais classée sixième au monde chez les femmes.

«Il faut dire qu'on s'était entraînés comme des fous, rajoute Claude Rose, coach de l'équipe canadienne, cinquième chez les hommes. C'était un régime excessif.»

Revenu gonflé à bloc, Claude Rose a maintenant de nouveaux projets en tête. Dont celui d'enseigner et de promouvoir ce sport au Québec, au Canada et aux États-Unis.

Il faut savoir que la canne - ou canne française - est très mal connue en Amérique. La grande majorité de ceux qui s'y adonnent (pas plus de 3000 adeptes, dit-on) sont européens. À Montréal, on la pratique très sérieusement en deux endroits: chez Savate World et à l'Académie martiale Serei, dans le quartier Rosemont. C'est là que Claude Rose a formé sa petite équipe au cours des quatre dernières années.

«Le problème avec la canne de haut niveau, c'est qu'elle n'a pas encore été assez vue, explique l'entraîneur de 38 ans. Si le cinéma avait fait des films avec la canne, il y aurait probablement eu plus d'intérêt pour ça. Regarde ce qui s'est passé avec Karate Kid. Après la sortie du film, les écoles de karaté ont explosé. Plus il y a de visibilité, plus il y a un effet d'entraînement.»

«Tu sors d'ici, t'as peur de rien»

Claude Rose prêche pour sa paroisse, évidemment. Mais ce vétéran des arts martiaux n'en démord pas: la canne de combat a tout ce qu'il faut pour devenir un sport extrêmement populaire. Lui-même, dit-il, est arrivé à cette discipline par accident. Il en est devenu mordu, au point de l'enseigner, non seulement ici, mais à des équipes américaines, qui n'ont pas d'entraîneurs compétents à portée de main (la majorité sont en Europe).

«Tout le monde qui l'essaie accroche, explique-t-il. C'est complet. Ça éveille les sens. C'est bon pour le cardio. Ça libère les toxines.» Et surtout, c'est bon pour la confiance: « Tu sors d'ici, t'as peur de rien.»

Sport dangereux? Pas vraiment, répondent ceux qui le pratiquent. Avec le temps, la canne de compétition s'est sophistiquée. Les coups sont plus techniques et moins douloureux, surtout si on les compare à la canne d'autodéfense, plus axée sur les réflexes de survie. Bien sûr, le masque (d'escrime) est obligatoire. Et, bien sûr, on peut se prendre des bleus sur les jointures. Mais cela va rarement plus loin.

Quant à la canne elle-même, pour ceux qui se le demanderaient: elle est en bois de châtaignier. D'un bois «qui est fait pour casser avant de casser l'os», précise Claude. Hmmm, rassurant...

 

Prêts pour les JO?

Dans les prochains mois, Claude Rose va mener son offensive de séduction. Sa mission est d'élargir le nombre de pratiquants et de professeurs. Il compte former une équipe - complète, cette fois - en vue des prochains championnats d'Europe, et une autre pour présenter la canne de combat en chaise roulante aux Jeux paralympiques de 2012. «Si on fait un bon show, je vois ça comme une porte d'entrée pour nous», avance l'entraîneur.

Car pour Claude Rose bien sûr, l'ultime objectif est que la canne sportive soit un jour reconnue comme sport officiel aux Jeux olympiques.

D'après André-Jacques Serei, propriétaire de l'Académie Serei, qui enseigne également la canne d'autodéfense, il serait surprenant que cela se fasse de sitôt «Je pense qu'il n'y a plus de place aux Jeux olympiques pour un nouveau sport de combat», dit-il en mentionnant la lutte, le judo, le taekwondo ou le karaté. «C'est déjà très contingenté.»

Claude Rose en est conscient. Mais il croit que la canne de combat pourrait amener du piquant au gros show des JO. D'ailleurs, s'il n'en tenait qu'à lui, elle aurait depuis longtemps remplacé l'escrime, son cousin lointain, un sport qu'il juge beaucoup moins spectaculaire

«À l'oeil, c'est le jour et la nuit. Avec la canne, on se bat dans un ring. Il y a un bon rythme. Le jeu n'est pas tout le temps arrêté et tu peux frapper d'angles jamais vus... Alors s'ils veulent du tape-à-l'oeil et de la bonne télé, nous on peut leur en donner....»

Variations sur la canne

Elle se pratique aux quatre coins du monde. À quelques différences près. Voici quelques «cousins» de la canne.

QUARTERSTAFF

Ce bâton de chêne ou de frêne date de l'Angleterre médiévale. Dans Robin des Bois, Petit Jean maniait un quarterstaff.

BO JUTSU

Le bâton long, version japonaise. Par opposition au bâton court (Jo Jutsu)

SHILLELAGH

Ce bâton traditionnel irlandais est fait de chêne ou de racine d'épine. Utilisé par Bill «The Butcher» Cutting (Daniel Day Lewis) dans le film Gangs of New York.

LATHI

Cette longue canne de bambou est employée pour maîtriser les manifestants, par la police anti-émeute, en Inde.

Photo: Robert Skinner, La Presse