Au départ, la nouvelle a provoqué plusieurs flammèches dans l'univers sportif montréalais.

Quand La Presse a révélé, il y a deux semaines, que le Canadien songeait sérieusement à retirer le numéro de Patrick Roy en novembre, certains «experts» se sont mis à hurler au scandale.

Tout y est passé: on a parlé de honte, de mauvais exemple pour la jeunesse, des comportements discutables du principal intéressé qui, il est vrai, a pris la fâcheuse habitude de grimper sur les bandes dans le monde merveilleux du hockey junior.

Mais au bout du compte, le Canadien a pris la décision qui s'imposait. La bonne décision.

George Gillett, le propriétaire du Canadien, me faisait remarquer hier qu'il faut savoir faire la part des choses dans ces cas-là. «Quand on va à Canton, c'est pour voir ce que ces joueurs-là ont réussi sur le terrain», m'a expliqué le proprio, en faisant référence au Temple de la renommée du football américain. Un endroit où il faut savoir faire la part des choses, en effet; certains de ces gars-là se sont permis quelques folies dans leur jeune temps

Même chose ici. À ce chapitre, Pierre Boivin en a poussé une bonne hier: «Au plafond du Centre Bell, c'est pas tous des anges», a dit le président, hilare, en rappelant que certains Glorieux ont parfois fait des choses moins glorieuses hors de la patinoire.

C'est, évidemment, le cas de Patrick Roy.

L'ancien gardien n'est pas un ange lui non plus. On ne va pas rappeler ici ses frasques au hockey junior. Plus besoin. On ne va pas non plus rappeler qu'il a quitté le Canadien a claquant la porte bien fort, au terme d'une chicane avec un entraîneur qu'il ne pouvait pas blairer. C'est sans oublier ses écarts de conduite assez spectaculaires, comme la fois où il s'était permis de redécorer le bureau de son coach au Colorado. Gratis, en plus.

Mais pour la majorité des fans, ce n'est pas ça qui compte. Pour la majorité des fans, ce qui compte, ce sont les souvenirs. C'est ce match magique de mai 1986 à New York. C'est le défilé de 1986 en bedaine. C'est le clin d'oeil lors de la finale de 1993, à Los Angeles. C'est un peu tout ça que le Canadien va souligner le soir du 22 novembre, au Centre Bell.

Après 13 ans de séparation, le Canadien reçoit enfin son héros dans son nouveau temple. Il était temps. Que peut-on trouver à redire contre un gars qui a été responsable, presque à lui seul, des deux dernières conquêtes de la Coupe Stanley à Montréal? Bob Gainey a rappelé qu'en 1986, le Canadien avait «une bonne équipe, pas une grande équipe», et que c'est essentiellement le maigrichon au masque blanc qui avait tout fait. «Il nous avait transportés», a dit Gainey.

Que peut-on trouver à redire contre un gars qui a été le meilleur gardien de l'histoire du CH - de l'histoire tout court, si ça se trouve - et qui a contribué à créer une petite révolution à sa position? Que peut-on trouver à redire contre un gars qui a marqué l'histoire de son équipe, et toute une génération de fans par le fait même?

Rien. Alors on prend son chandail, et on le met là-haut, auprès des 14 autres.

«Les histoires de Patrick au hockey junior, entre nous, on n'en a pas discuté, a juré Pierre Boivin. Il fallait plutôt se concentrer sur la carrière du joueur, sur l'impact qu'il a eu sur notre équipe.»

Même son de cloche du côté du propriétaire. «Ce qui est arrivé à Patrick au hockey junior, ça ne nous a jamais poussés à reconsidérer notre décision, a dit M. Gillett. Quand on pense à retirer un chandail, on pense à la carrière du joueur avant tout.»

Voilà. Insistons encore: le Canadien a pris la bonne décision. Parce que s'il fallait inclure la bonne conduite parmi les critères de sélection, il y aurait bien peu de numéros retirés dans les hauteurs du Centre Bell.