Lundi matin. Fête du Travail. Auberge des 21, à La Baie. Soleil éblouissant qui illumine le fjord du Saguenay. L'eau est calme et les reflets du soleil obligent à plisser les yeux.

Mais Richard Martel est trop tendu, trop bouleversé pour être apaisé par la beauté profonde de l'eau et des montagnes. La semaine précédente, Gilles Lupien a qualifié le coach et directeur général des Saguenéens de Chicoutimi "d'abuseur d'enfants". Bien sûr, Lupien faisait allusion aux décisions et aux gestes de Martel, coach dans la Ligue junior majeur du Québec depuis 18 ans, en rapport avec l'intimidation et la violence dans le hockey. Surtout la violence faite aux jeunes de 16 et 17 ans qui parfois sont agressés par des adultes plus âgés dans le cours d'un match.

Richard Martel est bachelier en enseignement. Il détient également un bac en enseignement spécialisé en éducation physique au primaire. Quelques crédits supplémentaires en administration et il pourrait envisager une autre carrière comme directeur d'école.

L'accusation d'être un abuseur d'enfants, même si elle fait allusion au hockey, l'a ravagé. Depuis, son avocat, Me Serge Simard, a fait parvenir une mise en demeure à Gilles Lupien pour le forcer à se rétracter. Sinon, on se garde la porte ouverte à des poursuites.

"J'ai été ciblé par Lupien à cause de ma notoriété, a prétendu Martel. Ça fait 18 ans que je suis coach dans la LHJMQ. De plus, j'ai été le coach de son garçon à Baie-Comeau. Sans doute que Lupien n'a pas apprécié comment ça s'est passé. Je suis une cible facile à attaquer à cause de toutes ces années. Mais il faut comprendre que j'ai évolué avec la situation dans le junior. Dans l'ère de l'intimidation, il fallait répondre par l'intimidation. Sinon, on ne survivait pas. Depuis trois ans avec les Saguenéens, on forme une des équipes les plus disciplinées de la ligue. Nous jouons sur la seule glace olympique de la LHJMQ et, par conséquent, il faut avoir un jeu axé sur la vitesse et le contrôle de la rondelle. On n'a pas de gorilles au sein de l'équipe et ce n'est pas notre philosophie du jeu. On n'a qu'à consulter les chiffres pour constater que j'ai raison.

"C'est rendu qu'on est attaqués même si nous avons été les victimes des agressions de Jonathan Roy et de son père. Je sais que Patrick est important pour la ligue, mais jamais je n'accepterai d'être sacrifié dans cette agression que Bobby Nadeau a subie."

L'homme parle avec un calme qui camoufle mal son désarroi. Et il est conscient que la rivalité follement médiatisée entre les Saguenéens et les Remparts de Québec attire tous les projecteurs sur lui et son illustre adversaire. Il est prêt à faire face à la musique mais il ne veut pas aller à la guerre avec un tire-pois contre le bazooka de Patrick Roy, appuyé par Jacques Tanguay et son complice Gilles Courteau. "Moi, après un incident, je ne peux pas téléphoner de l'autobus à M. Courteau pour lui demander de me sortir du pétrin", a-t-il dit.

Cette rivalité devenue malsaine reprend de plus belle dans les prochains jours. On espère que le bedeau va sortir de la sacristie...

Michel Boivin rage

Les propriétaires des Saguenéens se sont réunis lors du dernier long week-end. Je les ai rencontrés samedi soir au George's Steak House, une institution chicoutimienne qui remonte aux premiers Saguenéens dans les années 40. Ou presque. Guy Carbonneau et la belle Line ont cassé les croûtons avec leurs amis actionnaires de l'équipe la plus connue au Québec... avec le Canadien.

Michel Boivin, vice-président de l'organisation, fulminait encore contre Gilles Lupien. "Qu'on regarde les statistiques sur le décrochage scolaire au Québec. Au secondaire, c'est épouvantable. Et on ne parle pas du collégial. Je peux vous garantir que nos joueurs-étudiants sont pas mal mieux encadrés que la moyenne des jeunes Québécois. On suit leurs résultats scolaires et s'il le faut, on embauche des profs en privé pour aider nos jeunes. On est fiers des résultats et de l'éducation que nos joueurs reçoivent. Et quand on les regarde aller dans la vie après leur stage à Chicoutimi, on a de quoi être satisfaits. On investit dans les soins de santé, dans les soins dentaires et on veille sur eux. Rien n'est parfait dans la vie, mais on est tannés de se faire vomir dessus par des gens qui ne sont pas au courant de tous les efforts déployés par l'organisation."

La question mérite cependant d'être posée. Fait-on les mêmes efforts ailleurs dans la ligue?

"Pensez-vous que les familles Irving et McCain resteraient associées à des organisations qui sacrifieraient des centaines de jeunes?" a demandé Boivin.