Sprinteur à l'état pur, Alain Bernard a réalisé son rêve à Pékin jeudi en devenant champion olympique sur la plus belle des courses, le 100 m nage libre, après huit années d'un travail sans relâche.

Le gamin né à Aubagne (sud) en 1983 a fait bien du chemin depuis ces années, où petit, il allait à la piscine sans aimer l'eau mais parce que sa mère voulait qu'il apprenne à nager. Lui, rêvait alors de devenir gardien de but au football.

L'élément aquatique a eu raison de lui.

«Je me sens bien dans l'eau parce qu'il y a cette impression de flotter, je ne dirai pas voler mais... quand je regarde le fond, je me dis que je ne touche pas le sol et que je peux quand même avancer, reculer», s'amuse-t-il à expliquer.

Bernard s'est pris au jeu et, tout naturellement, a disputé ses premières compétitions. Il ne rêvait pas à une carrière de grand champion. Il voulait tout simplement être le meilleur.

A 16 ans, il fait le choix de partir pour Marseille. Le frêle adolescent y rencontre Denis Auguin, quelques mois avant les Jeux de Sydney.

«J'étais à des années lumière de pouvoir imaginer une relation entraîneur-entraîné, j'étais assez insouciant parce que j'étais jeune. Je ne me posais pas ce genre de question. Je voulais juste prendre du plaisir à nager et progresser à mon niveau, étape par étape», se souvient-il.

L'osmose entre les deux hommes ne s'est pas faite immédiatement.

Auguin, jeune entraîneur de 38 ans, n'a pas encore sa propre méthode d'entraînement. Résolument tourné vers une approche plus scientifique et moins physiologique, il se construit tout en aidant Bernard à se construire.

Guitariste

Son élève a un potentiel incroyable en raison de sa carrure et de son envergure de bras (2,05 m). Auguin entame alors un long travail de musculation pour aider le nageur à se renforcer.

Complexé par son corps, le grand blond à l'éternel sourire prend plaisir à se développer jusqu'à afficher aujourd'hui ce physique d'Hercule, qui contraste tant avec sa gentillesse.

De 2000 à 2004, Bernard approche le haut niveau. Mais en 2004, il attrape une toxoplasmose. Elle lui coûtera sa saison et sa qualification olympique pour Athènes, un énorme échec qui aurait pu le faire arrêter. «Mais il y avait un petit truc» qui le retenait dans les bassins.

Il s'accroche et continue de s'entraîner à Marseille jusqu'à la cassure avec le club en 2006 qui choisit de congédier Auguin pour incompatibilité d'humeur avec le nouveau manageur.

Auguin part alors à Antibes (sud-est), Bernard le suit. Le guitariste amateur n'imagine pas collaborer avec un autre entraîneur tant la confiance est absolue.

Aux Mondiaux 2007, il est prêt à exploser. Mais par excès de confiance, le «bleu» laisse filer sa qualification pour la finale sur 100 m libre.

Une erreur qu'Auguin ne digère pas et les explications qui suivent résonnent encore dans la piscine antiboise...

En juin de la même année, aux «France» de Saint-Raphaël, Bernard montre enfin ce dont il est capable. Il ne cesse de progresser et, avec l'aide de la vidéo, améliore ses virages et ses coulées.

Esprit scientifique

Esprit scientifique et carré, il est impliqué et aime comprendre ce qu'on lui demande de faire. Et s'il ne comprend pas, la tache est difficile pour le coach.

«Il est têtu. Il peut être très pénible ! Il peut vraiment s'enfermer dans des trucs terribles. Par contre, il est capable de venir et dire: je suis désolé. Mais pas tout de suite !», confie Auguin.

A Eindhoven en mars, lors des Championnats d'Europe, le grand blond de 1,96 m met une «claque» au record du monde du 100 m nage libre vieux de huit ans, qu'il bat deux fois successivement. Deux courses à jamais gravées dans sa mémoire.

«J'avais l'impression d'être dans un monde parallèle. J'étais seul dans ma tête, pour moi j'allais gagner la course avant même de partir», souligne-t-il au moment de récolter ses premiers lauriers internationaux.

Des capacités physiques du «gendarme Bernard», plus personne n'en doute.

A son arrivée à Pékin, seul son mental suscite encore quelques inquiétudes.

Excès de confiance, pression médiatique lourde à porter et envie de faire plaisir à sa famille - ses parents et ses deux soeurs aînées -, ses amis et au public en oubliant de nager pour lui. Mais penser à soi, c'est la marque des grands champions.

Et à Pékin, Bernard a montré qu'il était de ceux-là.

«J'ai fait des sacrifices pour réaliser un de mes rêves, parce que c'est devenu un rêve, ça ne l'était pas dès le début. Réaliser mon rêve, c'est devenir le meilleur», répète-t-il souvent.