Si la boxe est un sport de rituels, alors le face-à-face entre deux boxeurs est sa grand-messe. Le fin observateur y devinera la crainte dans les yeux d'un tel, la haine dans les yeux d'un autre.

Hier, ceux qui ont assisté au premier rendez-vous entre Joachim Alcine et Daniel Santos ont surtout vu deux athlètes qui se respectent, sans crainte ni haine. Quelques jours avant leur combat de vendredi, les deux jurent qu'ils vont l'emporter, mais dans l'adversité.

«Ce sera un combat difficile, dit Daniel Santos dans son anglais chantant de Porto Rico. Monsieur Alcine est un bon boxeur, un boxeur intelligent. Mais je m'entraîne depuis quatre mois et demi comme un fou, alors je suis prêt.

«Sans vouloir manquer de respect à Alcine, je sais que je mérite de remporter la ceinture», ajoute Santos, qui veut ravir au Lavallois son titre de champion WBÀ des super mi-moyens (154 livres).

Avec sa politesse proverbiale, Joachim Alcine a aussi dit qu'il allait gagner, mais «sans rien vouloir enlever au talent de Santos».

«Depuis trop longtemps, j'entends des gens dire que Jo n'a jamais battu personne, se plaint le boxeur de Laval. Avant mon combat de championnat contre Simms, certains disaient la même chose. Et qui a remporté la ceinture? Moi! Là, si je bats Santos, qui est un excellent boxeur, j'espère qu'ils vont se taire.

«Je veux que ce combat me mette sur la carte», tranche Alcine.

Alcine à l'épreuve

Daniel Santos (31-3-1, 22 K.-O.) est le plus périlleux opposant de la carrière d'Alcine (30-0, 19 K.-O.). Amateur doué, Daniel Santos a remporté le bronze aux mondiaux juniors de 1992 et aux Olympiques de 1996. Il a plus tard affronté plusieurs grosses pointures chez les pros, comme Sergiy Dzinziruk, Antonio Margarito et Ahmed Kotiev.

Le Portoricain n'a pas un style latino, puisqu'il n'avance pas constamment sur son adversaire et préfère la contre-attaque. Joachim Alcine est quant à lui considéré comme difficile à atteindre, et a tendance à attaquer en fin de combat. Deux styles qui devraient donner, selon Yvon Michel, «une partie d'échecs».

«Ce sera une partie d'échecs intense, où les joueurs n'auront pas le temps de réfléchir. Il va falloir jouer vite et bien», dit le promoteur, qui a annoncé que 8000 billets ont déjà été vendus pour le combat au parc Jarry.

«L'affrontement est un peu personnel pour moi, continue Michel. Quand je m'occupais de l'équipe nationale de boxe, de 1992 à 1997, mes gars se sont battus quatre fois contre Santos. Ils ont chaque fois perdu. C'est un bon boxeur. Mais Joachim peut le battre.»

Selon Alcine, le secret de la victoire réside dans sa préparation exemplaire. Il a d'ailleurs répété qu'il avait, avec Adonis Stevenson, le partenaire d'entraînement idéal. «Il est gaucher comme Santos, il est plus gros que Santos et il frappe plus fort que Santos, dit Alcine. Si Adonis ne m'a pas déjà arraché la tête, ce n'est pas Santos qui va le faire!»

«Ces sparrings m'ont convaincu que je pouvais battre Santos. Et la moitié du combat se passe là-haut, dit Alcine en pointant sa tête. C'est de la psychologie. Si tu penses que c'est impossible, ce sera impossible. Moi, je sais que c'est possible.»

Peu importe l'issue du combat, il est clair qu'il opposera deux athlètes au sommet de leur art. Deux athlètes sympathiques qui, hors du ring, ont en commun un respect immense pour leur sport et pour leurs adversaires.

«Des conférences comme ça, ça n'arrive pas assez souvent, déplore Guy Jutras, sommité de la boxe au Québec, qui a arbitré plus de 50 combats de championnat. Depuis qu'Ali a commencé à insulter ses adversaires en conférence de presse, c'est devenu une mode. Avant lui, dans le temps, les boxeurs se serraient la main et se souhaitaient bonne chance.»

«Après tout, dit-il, c'est dans le ring que ça se passe!»

Quoi: Combat de championnat du monde WBA des 154 livres

Qui: Joachim Alcine (30-0, 19 K.-O.) c. Daniel Santos (31-3-1, 22 K.-O.)

Quand: Vendredi 11 juillet

Où: Stade Uniprix du parc Jarry