Si au moins Roger Federer avait perdu son match des quarts de finale hier à Pékin. Mais Federer n'a pas perdu. Il n'a pas joué. Ou plutôt, il a joué comme un champion qui abdique.

Lundi prochain, au lendemain du tournoi olympique de Pékin, la chute de Roger Federer sera complète. Plus de premier rang mondial, maintenant le fardeau de Rafael Nadal. Pas de titre du Grand Chelem cette année - il reste bien le US Open, mais personne ne se fait d'illusions. Toujours pas de médaille olympique. Rien pour se consoler d'une saison décevante.

Si Federer a raté l'occasion de sauver sa saison, ce n'est même pas la faute de son tombeur James Blake, qui l'a éliminé hier en deux manches de 6-4 et 7-6. Dans cette histoire, Blake n'est qu'un acteur secondaire. Soit, il a plutôt bien joué son rôle, mais la véritable vedette, même dans la défaite, c'est Roger Federer.

Rarement a-t-on vu le Suisse aussi éteint, aussi absent. Dans les moments importants, il était tendu - c'est trop souvent le cas quand son premier service ne fonctionne pas. Il avait fait le pari que Blake, qui flanche souvent sous la pression et qui n'avait gagné qu'une seule manche contre lui en huit affrontements, lui donnerait le match.

Mais cette fois, l'Américain a tenu bon. En fin de match, la différence entre l'attitude des deux joueurs était frappante. Blake qui gagne facilement son service, qui dicte le jeu, qui prend des chances. Federer qui attend l'erreur de l'adversaire, qui ne semble pas avoir l'envie de gagner mais plutôt d'éviter de perdre.

Défait en quarts de finale à Pékin, Federer n'aura même pas la chance de se racheter pour le bronze comme à Sydney en 2000. Il avait alors perdu un match crève-coeur contre le Français Arnaud di Pasquale, dont la médaille de bronze reste l'unique moment de gloire. Au moins, Federer n'était pas reparti complètement bredouille de Sydney: c'est au village olympique qu'il a commencé à fréquenter une autre membre de l'équipe de tennis suisse, Mirka Vavrinec, sa copine depuis huit ans.

S'il commence à avoir l'habitude des défaites dramatiques, Federer se remettra plus difficilement de celle-là. Champion planétaire, Federer comptait sur les Jeux de Pékin pour quitter le sommet du classement mondial à ses conditions. Il vivra plutôt deux deuils lundi matin. Celui du premier rang mondial, auquel il se prépare depuis quelques semaines déjà. Et celui d'une médaille olympique en simple, une injustice pour un champion aussi attaché au mouvement olympique (il est toujours en lice avec son compatriote Stanislas Wawrinka en double).

En théorie, Federer pourrait se reprendre dans quatre ans aux Jeux de Londres, alors que le tournoi sera disputé sur le gazon de Wimbledon. Mais Federer aura 31 ans, Nadal et Djokovic seront au sommet de leur art et le tennis produira d'autres jeunes loups affamés. Dans ce contexte, une victoire de Federer tiendrait presque du miracle. Un miracle aussi improbable que mérité.