Ça y est, c'est reparti. À chaque année, on entend la même histoire: les Bills de Toronto, c'est pour bientôt. Vous verrez. Leur propriétaire de 89 ans n'est pas éternel, sa famille ne veut rien savoir du football, alors vous verrez, les Bills de Buffalo vont devenir les Bills de Toronto. C'est presque fait.

Le débat est régulièrement relancé. On l'a encore relancé cette semaine, parce que hier, les Bills disputaient un match préparatoire aux Steelers de Pittsburgh sur le terrain du Rogers Center, un genre de Stade olympique plus jeune et moins exotique.

Pour les Bills, ce n'était qu'un début; ils iront jouer à Toronto sept autres fois. Deux fois en calendrier préparatoire, et cinq fois lors de la saison régulière.

De petits détours

Chez les Bills, on insiste pour dire que les petits détours torontois ne sont que ça: des petits détours. Rien d'autre. Les Bills n'iront nulle part, et les matchs à Toronto sont avant tout des occasions d'affaires (les Bills vont empocher près de 9,75 millions pour chaque match à Toronto, et environ 5,5 millions à Buffalo). Mais dans les médias torontois, on persiste à croire que les Bills vont finir par débarquer à Toronto pour de bon.

Ted Rogers et Larry Tanenbaum, les deux géants à la tête du groupe torontois, ont certes les poches assez bien garnies pour se permettre de rêver au football américain. Mais du rêve à la réalité, il y a un énorme pas que les deux hommes d'affaires vont avoir bien du mal à franchir.

Commençons par ce Rogers Center, construit en 1989 et déjà désuet. Avec sa capacité de quelque 54 000 places, ce stade se situe à des années-lumière de la nouvelle réalité économique de la NFL. À titre comparatif, rappelons ici que le nouveau domicile des Colts d'Indianapolis comprend 63 000 sièges, et que le prochain domicile des Cowboys de Dallas, un délire de un milliard de dollars à Arlington, pourra accueillir 80 000 fans dans un an.

Ensuite, il y a la question du plafond salarial. À Toronto, on croit que c'est ce plafond qui pourrait permettre au marché torontois de rivaliser avec le reste de la NFL. Mais l'avenir du plafond salarial est au mieux incertain; les propriétaires songent sérieusement à entreprendre la saison 2010 sans plafond salarial, ce qui mènerait tout droit à une importante dispute avec l'Association des joueurs (les rumeurs d'un lock-out pour 2011 sont persistantes). Si joueurs et proprios ne peuvent s'entendre, ce sera la fin du plafond salarial dans la NFL d'ici deux ans.

Des politiciens aux aguets

On fera de plus remarquer que le projet de la NFL à Toronto pourrait être écrasé par certains politiciens aux aguets, qui voient en cette ligue une menace réelle à l'identité canadienne, rien de moins. C'est déjà commencé; en Ontario, le sénateur Larry Campbell planche sur un projet de loi visant à protéger le football canadien de l'invasion américaine.

Nul doute que les fans de football américain sont nombreux à Toronto. Hier, ils étaient plus de 50 000 pour voir un match qui ne voulait rien dire entre deux formations qui ont envoyé de purs inconnus sur le terrain. Faut aimer ça.

Pour l'instant, le rêve de la NFL à Toronto demeure justement ça: un rêve. Et ce sera un rêve tant que le commissaire Roger Goodell n'aura pas publiquement appuyé Toronto dans sa démarche. Sur ce dernier point, on attend toujours.