La surdouée du plongeon canadien est de retour. N'ayons pas peur des mots: Émilie Heymans a livré hier une performance d'anthologie à la plateforme du Cube d'eau de Pékin, une performance qui lui permettra de tirer un trait définitif sur les nombreuses déceptions des dernières années.

Émilie Heymans n'avait que 21 ans quand elle a été sacrée championne du monde à la tour, à Barcelone, en 2003. Trois ans après avoir gagné l'argent en synchro aux Jeux de Sydney, elle semblait prête à écrire un chapitre particulièrement riche de sa carrière.

Ça ne s'est malheureusement pas passé comme ça. Les années suivantes n'ont pas été à la hauteur des espérances que le monde du plongeon canadien - et Heymans elle-même, sûrement - fondaient en cette athlète d'exception.

Aux Jeux d'Athènes, en 2004, le bronze en synchro qu'elle a gagné avec Blythe Hartley n'était qu'un prix de consolation. Heymans s'était sortie du podium lors de la finale individuelle en ratant son dernier plongeon. Elle avait ensuite candidement admis avoir «choké», une expression lourde de sens que les athlètes évitent habituellement comme la peste et qui en est venue, cruellement, à la définir aux yeux d'une grande partie du public.

Les Mondiaux de Montréal, l'année suivante, n'ont pas été plus favorables pour la jeune femme. Elle avait raté deux plongeons lors de la finale - «deux erreurs monumentales», avait dit son entraîneur d'alors, Michel Larouche - et avait une nouvelle fois fini quatrième. La sortie de Larouche, une réaction à chaud qu'il a amèrement regrettée par la suite, avait précipité le divorce professionnel entre Heymans et son entraîneur de longue date.

Heymans a poursuivi son chemin avec Yihua Li, l'ancienne rivale chinoise de Sylvie Bernier aux Jeux olympiques de Los Angeles, qui l'a accueillie dans son club de Pointe-Claire. Les résultats ont mis du temps à se faire sentir: Heymans a fini cinquième aux Mondiaux de Melbourne, en 2007.

Mais en coulisse, un patient travail de reconstruction était en cours. Heymans a vieilli, elle a gagné en maturité et surtout, elle a décidé de recourir à une psychologue sportive, Penny Werthner, qui l'a aidée à peaufiner sa préparation mentale. Elle est passée par-dessus la déception de ne pas avoir été choisie pour le 10 m synchro - ou alors s'en est servie comme élément de motivation - avec pour résultat qu'elle s'est présentée à Pékin avec une assurance qu'on ne lui connaissait pas.

Lors d'un point de presse, au tout début des Jeux, j'avais été frappé par l'impression de force qu'elle dégageait: non seulement son physique était-il plus découpé que jamais, mais elle parlait fort, s'exprimait avec confiance devant les journalistes (même si elle ne sera jamais le sujet d'interview rêvé) et avait l'air d'une fille qui sait exactement où elle s'en va.

Elle a prouvé hier que cet aplomb n'était pas du chiqué. Et qu'elle était désormais capable de contrôler ses émotions, dans un environnement où l'Émilie Heymans du passé aurait facilement pu craquer. Se battre aux Jeux olympiques contre deux plongeuses chinoises, à Pékin, devant une foule acquise à la cause de ses préférées - difficile d'imaginer contexte plus stressant, plus intimidant.

Heymans a démontré qu'elle n'est pas moins batailleuse qu'Alexandre Despatie, son envers masculin dont les exploits héroïques et la personnalité extravertie lui ont parfois fait de l'ombre. Elle a livré une performance sans faille, digne de la plongeuse d'élite qu'elle a toujours été, mais qui a trop souvent été trahie par ses nerfs.

C'est probablement l'ancienne plongeuse Annie Pelletier qui a le mieux résumé la situation. «Sa plus grande bataille des Jeux olympiques, Émilie ne l'a pas gagnée contre les Chinoises. Elle l'a gagnée contre sa propre tête.»