Au quatrième étage d'un immeuble en chantier de Kaboul, entre le ronflement d'un groupe électrogène et les cris ponctuant les frappes, le vice-champion du monde de taekwondo Nesar Ahmad Bahawi s'entraîne pour décrocher à Pékin la première médaille olympique pour l'Afghanistan.

«Je ne vais pas à Pékin seulement pour participer, si je m'entraîne aussi dur, à raison de six heures par jour, c'est pour remporter une médaille», confie sans fausse modestie Nesar, 23 ans et 1,86 m, l'un des favoris dans la catégorie des -68 kg en taekwondo, ce sport de combat d'origine coréenne.

L'Afghanistan n'a encore jamais gagné la moindre médaille aux Jeux olympiques, avec lequel son lien le plus marquant remonte aux JO de Moscou, en 1980, boycottés par les États-Unis pour dénoncer l'invasion soviétique du pays.

«Je pratique le taekwondo depuis 11 ans. Enfant, j'adorais les films d'arts martiaux et j'ai choisi le taekwondo parce qu'il se spécialise dans les coups de pied», poursuit Nesar, au sourire désarmant.

Derrière lui, adolescents et jeunes adultes échangent avec conviction de puissants coups à grands renforts de cris. Peu d'entre eux ont les moyens d'acheter le dobok (kimono) traditionnel, et la plupart se contentent d'un pantalon de survêtement et d'un tee-shirt.

Tous rêvent d'un parcours comme Nesar, dont la médaille d'argent aux championnats du monde 2007 a entraîné la qualification pour les JO.

«C'est la première fois qu'un sportif afghan se qualifie par ses propres résultats aux JO, avant ils bénéficiaient d'invitations», s'enthousiasme Ghulam Rabani Rabani, 33 ans, président de la fédération afghane de taekwondo.

La délégation afghane aux Jeux ne se compose que de quatre athlètes, deux pour le taekwondo, et deux coureurs, dont une femme, Robina, qui remplace au pied levé Mahbooba Ahadyar, qui a fui en Europe après avoir subi les foudres des fondamentalistes, en dépit de son choix de courir avec un foulard et en survêtement.

25 000 licenciés

Discipline olympique depuis 2000, le taekwondo connaît un fort engouement en Afghanistan. «Il y a plus de 25.000 licenciés au sein de 700 clubs dans le pays. Les Afghans aiment les sports de combat et le taekwondo a été le premier à être introduit dans le pays, par un maître américain au début des années 1970», explique ainsi Ghulam Rabani Rabani.

La progression ne s'est pas faite sans heurts, surtout sous le régime des talibans (1996-2001), quand la milice des «étudiants en religion» interrompait les cours pour reprocher aux élèves de ne pas porter une barbe assez longue ou les obliger à respecter les cinq prières quotidiennes.

Aujourd'hui, ce sont plutôt les difficultés financières qui handicapent le développement du sport, en dépit du soutien d'une fondation coréenne qui rémunère un entraîneur et fournit les équipements nécessaires.

«Les membres de l'équipe nationale reçoivent 16 dollars par mois du gouvernement, c'est dérisoire», se désole Ghulam Rabani Rabani.

Certes, lorsqu'il a remporté sa médaille d'argent, Nesar a reçu une prime de 2.000 dollars des mains du président Hamid Karzaï. Mais quelques semaines plus tard, celui-ci remettait la même somme à un apprenti-kamikaze pakistanais de 14 ans qu'il venait de gracier, suscitant l'incompréhension des partenaires d'entraînement de Nesar.

«Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement ne nous aide pas davantage. La drogue est un problème majeur dans ce pays, mais si les gens font du sport, ils ne se droguent pas. Je voudrais que tous les Afghans fassent du sport pour éliminer le problème de la drogue», souhaite pour sa part Nesar.

Une médaille pourrait accélérer la prise de conscience, estime-t-il: «Quand j'ai remporté la 2e place aux championnats du monde, des centaines de nouveaux adhérents se sont inscrits. Les professeurs m'appelaient de tous les clubs pour me remercier. Je souhaite juste que la même chose se produise après les JO».