Oubliez Yao Ming: connaissez-vous Liu Xiang? Lors des Jeux d'Athènes, il y a quatre ans, ce fils de Shanghai a fait voler en éclats le vieux stéréotype de l'infériorité physique des Chinois - stéréotype, il faut bien le dire, ancré autant sinon davantage chez les Chinois eux-mêmes que dans l'esprit de certains étrangers.

En remportant le 110 m haies, vieille chasse gardée américaine, Liu a lancé un message fort à ses compatriotes: la Chine est capable, et pas seulement sur le plan économique. Oublié, le mythe datant de la fin du 19e siècle qui faisait du pays «l'homme malade de l'Asie». Avec la médaille d'or de Liu, première de l'histoire de la Chine en athlétisme masculin, tout est devenu possible. Y compris battre les Américains.

Car les autorités chinoises ont beau multiplier les déclarations visant à réduire les attentes à l'approche des Jeux de Pékin, leur objectif est clair: elles veulent terminer au premier rang du seul classement qui les intéresse, celui des médailles d'or.

«Leur objectif demeure de finir devant les États-Unis, même s'ils ne l'avouent pas», me disait l'hiver dernier, lors d'une rencontre à Pékin, le Français Christian Bauer, embauché par la Chine pour superviser l'équipe nationale de sabre.

Depuis que Pékin a obtenu les Jeux olympiques, il y a sept ans, tout a été mis en oeuvre pour que le pays réussisse en 2008 la meilleure récolte de son histoire - et chasse du même coup les États-Unis du sommet du palmarès des médailles d'or.

La tendance est favorable: à Atlanta, en 1996, la Chine a remporté 16 médailles d'or et a terminé au quatrième rang. À Sydney, quatre ans plus tard, elle en a gagné 28 et fini troisième. À Athènes, elle a devancé la Russie au deuxième rang, après avoir enlevé 32 médailles d'or, seulement quatre de moins que les États-Unis.

Et cet été? Sports Illustrated prédit 49 médailles d'or aux athlètes chinois, quatre de plus qu'aux Américains. Une étude universitaire britannique, qui tient compte de la surperformance du pays hôte lors des Jeux olympiques, leur en donne 46. Et la firme comptable PricewaterhouseCoopers pousse l'audace jusqu'à projeter que la Chine va gagner plus de médailles, tous métaux confondus, que les États-Unis (88-87).

Pour atteindre son objectif, la Chine ne pourra pas se contenter de balayer (ou presque) les sports dans lesquels elle a traditionnellement dominé, comme le plongeon, le tennis de table et le badminton. Il lui faudra aussi glaner davantage de médailles d'or dans des disciplines où elle en gagne déjà régulièrement et où plusieurs podiums sont à l'enjeu, comme la gymnastique, l'haltérophilie ou le tir.

Mais surtout, il faudra répéter l'exploit de Liu Xiang dans les autres sports touchés par ce que les Chinois ont appelé le «Projet 119». Le nom de cette initiative lancée peu après les JO de Sydney fait référence au total de 119 médailles d'or alors à l'enjeu en athlétisme, en natation, en aviron, en voile et en canoë-kayak.

Les Chinois n'avaient gagné qu'une seule fois l'or dans ces sports à Sydney et n'ont guère fait mieux à Athènes: deux médailles d'or en athlétisme, dont celle de Liu Xiang, et une en natation. (Le genre de récolte «modeste» qui réjouirait au plus haut point le Comité olympique canadien, soit dit en passant.)

Malgré des investissements considérables (embauche d'entraîneurs étrangers, infrastructures sportives à la fine pointe, etc.), les probabilités de médailles d'or chinoises à Pékin en athlétisme et en natation demeurent faibles, sauf peut-être dans le marathon féminin. Même Liu Xiang, dont le record du monde (12,88) établi en 2006 a été battu en juin par le Cubain Dayron Robles, risque d'en avoir plein les bras.

Mais les progrès accomplis en canoë-kayak et surtout en aviron, jumelés à une récolte encore meilleure qu'à l'habitude dans les sports où elle excelle déjà, devraient permettre à la Chine de coiffer les États-Unis à l'arrivée, côté médailles d'or. Oseriez-vous parier contre elle?