Si Joachim Alcine veut un jour redevenir champion du monde, il devra se remettre du K.-O. qui l'a mis brutalement hors de combat vendredi. Une avenue tortueuse, mais possible, qui passe par des combats moins risqués et un changement dans ses habitudes d'entraînement.

«Quand tu subis un K.-O., que tu vas au plancher, ça ruine ta confiance, note l'ancien champion Éric Lucas. Je ne doute pas que Joachim a le talent pour revenir. Il lui faut seulement retrouver la confiance. Sinon, il va toujours craindre de se faire pincer.»

Mais Éric Lucas ajoute du même souffle qu'il n'a lui-même jamais subi une défaite aussi brutale que celle de vendredi. «Une défaite comme celle-là, c'est plus difficile que d'autres, croit-il. Ça fait plus mal que celles que j'ai subies dans ma carrière.»

Vendredi, l'aspirant obligatoire Daniel Santos (32-3-1, 23 K.-O.) a passé le K.-O. à Joachim Alcine au sixième round de leur combat de championnat WBA des super mi-moyens (154 livres). La première défaite d'Alcine (30-1, 19 K.-O.) chez les pros, provoquée par une gauche puissante, a été d'autant plus surprenante que le combat était partagé.

Plusieurs ont depuis cité Éric Lucas en exemple. Lucas avait aussi perdu, en 1999 contre Glenn Catley, un combat de championnat du monde. Sept mois plus tard, il avait pris sa revanche et knockouté Catley en sept rounds. Certains commentateurs ont ainsi suggéré que si Lucas l'a fait, Alcine le pouvait bien aussi...

«Attention, ce sont deux situations différentes, nuance Éric Lucas. Mon combat s'est terminé par un arrêt de l'arbitre au 12e. J'étais encore debout. Je n'ai jamais vécu un K.-O. comme ça (celui d'Alcine). C'était un K.-O. solide.»

«Certains boxeurs s'en remettent mieux que d'autres, note l'entraîneur de «Ti-Joa»,Howard Grant. Certains voient leur confiance ruinée. C'est difficile de dire comment Joachim va réagir, comme c'est sa première défaite. L'avenir nous le dira.»

Redevenir aspirant

Pour regagner la confiance perdue, Joachim Alcine devra absolument gagner ses prochains combats. «Jo a l'air d'un gars fort mentalement alors il peut revenir, croit Éric Lucas. Il doit juste recommencer à boxer tranquillement. Ça veut dire qu'il ne doit pas partir en peur et disputer un combat de championnat, ou affronter des gars du top 10. Il doit livrer un ou deux combats plus faciles avant.»

Yvon Michel a été bien clair hier : si Joachim Alcine veut toujours boxer, il devra apprendre à redevenir aspirant. Le Lavallois n'est plus selon lui dans la position d'obtenir un combat de championnat du monde dans l'immédiat. Il devra donc se contenter pour l'instant d'adversaires de moindre envergure.

«Je ne connais pas un seul champion qui veut affronter Alcine en défense optionnelle, indique-t-il. Simplement parce que le jeu n'en vaut pas la chandelle. C'est un adversaire difficile et qui n'amène pas avec lui des tonnes d'argent.»

Une revanche contre Daniel Santos semble donc être hors de question. La déconfiture de vendredi a éloigné un autre adversaire potentiel, l'Irlandais John Duddy. À la recherche d'un titre, le clan de Duddy avait proposé à GYM un combat l'automne prochain au Madison Square Garden de New York. Mais sans ceinture, pas de combat...

Ne reste plus à l'ancien champion, qui devrait être classé quelque part dans le top 10 de la WBA, qu'à se frayer un chemin jusqu'au rang d'aspirant obligatoire.

«Passer de champion à aspirant, ce n'est pas évident, explique Yvon Michel. Ce ne sont plus les mêmes bourses, ce ne sont plus les mêmes ressources. Les combats sont aussi plus fréquents. Il faut qu'il soit aussi déterminé que l'année où il est devenu premier aspirant.»

Des erreurs à corriger

L'entourage de Joachim Alcine s'est montré réticent hier à expliquer la défaite de vendredi. Certaines constantes reviennent toutefois : Alcine aurait peut-être besoin de s'entraîner dans des camps isolés et de visionner les combats de ses adversaires.

«On lui avait proposé d'aller en camp d'entraînement, a dit Yvon Michel. Il préférait rester ici, avec sa famille. Ce sera peut-être quelque chose à envisager.»

Alcine a aussi refusé de visionner des combats de Daniel Santos pour comprendre son style, arguant qu'il ne le faisait jamais. « Si je l'avais obligé à regarder des vidéos et qu'il avait perdu, il aurait pu se dire : «J'ai perdu parce que j'ai fait quelque chose que je ne fais jamais», note Howard Grant. «Alors maintenant, je pense que ce sera plus facile de le convaincre.»

« Joachim est devenu champion du monde avec cette recette, alors c'était difficile de le convaincre de la changer, explique Yvon Michel. Parce que, au bout du compte, c'est lui qui décide. »

Deux aspects qui peuvent se corriger. Mais la soudaineté du K.-O. met-elle aussi en doute la capacité d'encaisser de l'ancien champion ? Pas du tout, croit son promoteur.

« Mauvaises mâchoires ou bonnes mâchoires ? Je crois surtout qu'à la boxe il y a des mauvaises défenses et de bonnes défenses, dit Yvon Michel. Un coup comme celui-là, il ne faut pas en prendre. Joachim a simplement fait l'erreur de ne pas se protéger. »

« Je pense que la majorité des boxeurs dans la même catégorie de poids seraient tombés sur un tel coup », lance-t-il.