C'était presque devenu un réflexe. Dès que commençait le jeu des prédictions aux tournois majeurs, tous prononçaient machinalement le même nom: Tiger Woods.

La question n'était plus de savoir s'il partait favori. C'était de savoir quelle cote lui attribueraient les preneurs aux livres.

Mais à cause de sa blessure au genou, le Tigre ne participe pas à l'Omnium britannique. Il ratera toute la saison. Soudainement, les amateurs de prédiction doivent cogiter. Qui soulèvera le Claret Jug dimanche prochain?

Un jeune Espagnol se détache du lot. La plupart des observateurs s'entendent: l'heure de Sergio Garcia semble arrivée. Les preneurs aux livres le favorisent à 8 contre 1.

D'abord, parce que l'année 2008 semble la bonne. En mai dernier, Garcia gagnait le Championnat des joueurs au TPC Sawgrass. Le cinquième majeur. Plus que jamais, Garcia cogne à la porte, anxieux de perdre l'infâme bonnet du «meilleur joueur au monde à n'avoir jamais gagné de majeur». Depuis cette victoire, il garde la forme. Plus tôt en juillet, le pro de 28 ans terminait deuxième à l'Omnium de France, derrière Paul Goydos.

Et surtout, parce que l'Omnium britannique semble le bon tournoi pour lui. Depuis 2000, Garcia y a terminé six fois dans le top 10. Soit plus que tout autre golfeur. Même Tiger.

Sa meilleure chance est survenue l'année dernière à Carnoustie. À l'amorce de la ronde finale, Garcia menait par trois coups. Au 72e trou, un roulé de 10 pieds le séparait du titre. Il l'a manqué, avant de s'incliner en prolongation contre l'Irlandais Padraig Harington.

Autres raisons de favoriser Garcia: l'Européen a joué beaucoup de golf sur les parcours links. Et avec leurs verts relativement lents, ces parcours rendent les coups roulés moins difficiles qu'aux autres majeurs. Cela avantage Garcia, plus reconnu pour la qualité de son long jeu que celle de son fer droit.

Malgré tout, l'avantage d'El Nino reste assez mince. Avec l'absence de Tiger, plusieurs autres joueurs prétendent au titre de favoris. Justin Rose figure parmi eux. On l'oublie parfois, mais le pro de 27 ans se classe neuvième au monde, juste derrière Steve Stricker (huitième) et Garcia (septième).

L'Anglais devrait être le préféré de la foule au Royal Birkdale. C'est là que la planète golf l'a découvert en 1998. Alors un amateur de 17 ans, Rose avait terminé le tournoi en calant son coup d'approche au 72e trou. L'aigle le plaçait au quatrième rang.

Rose rehausse habituellement son jeu durant les majeurs. À ses trois dernières participations au Tournoi des Maîtres (2004, 2007, 2008), il menait après la première ronde. Reste maintenant à apprendre à maintenir la cadence.

Quant au champion défendant, ses chances semblent minces. Padraig Harrington souffre d'une blessure au poignet droit, infligée samedi dernier en s'exerçant chez lui. Mardi, il n'a joué que huit trous. À la suggestion de son médecin, il n'a pas frappé de balles de l'herbe longue. Il a failli se désister à la dernière minute.

Étant donné la profondeur du golf professionnel, toute prédiction s'avère hasardeuse. Comme à chaque majeur, Mickelson, Els et Ogilvy demeurent des menaces constantes. Et Stewart Cink et Adam Scott sont dus pour une première grande victoire. Le jeune Anthony Kim, gonflé par ses deux victoires plus tôt cette année, pourrait aussi brouiller les cartes.

Sans Tiger, ou presque

Il suffit de couvrir quelques tournois de la PGA pour le remarquer: la grande majorité des questions posées par les journalistes portent sur Tiger. Que l'interviewé soit Tiger ou non. Le manège exaspère plus souvent qu'autrement les pros, notamment Phil Mickelson, qui ne dédaigne pas que l'univers s'intéresse à lui.

Même l'absence physique de Tiger n'y change rien. Son nom reste sur toutes les lèvres. La nouvelle question de l'heure: une victoire cette semaine vaut-elle moins en l'absence du numéro 1?

«Sans rien enlever à Tiger, aucun joueur n'est plus grand que l'Omnium britannique lui-même», répondent essentiellement les sondés.

D'autres délaissent la langue de bois. Notre réponse préférée? celle de Jim Furyk, rapportée par l'Associated Press: «Si j'aborde différemment le tournoi parce que Tiger ne joue pas? C'est de la chicken shit, ça. Je passe 99% de mon temps et de mon énergie à essayer de rentrer la balle dans le trou.»

En parlant de franc- parler, un mot en terminant sur John Daly. Chaque Omnium britannique rappelle son incroyable victoire à Saint Andrews en 1995. Mais cette époque semble de plus en plus lointaine.

Ancien champion, Daly est exempté et jouera donc aujourd'hui. En mars dernier, son ancien entraîneur Butch Harmon le critiquait publiquement pour avoir bu dans une tente corporative Hooters lors du Championnat PODS. «Je veux qu'il me montre que le golf est la chose la plus importante dans sa vie. Mais la chose la plus importante pour lui, c'est de se soûler», affirmait Harmon. Hier, Daly essayait de laisser l'incident derrière lui. «(Butch Harmon) doit rester aussi loin que possible de moi», lançait-il hier, selon ce que rapporte le site Internet de Golf Magazine.