Jelena Jankovic a beau toujours être souriante, elle a fait la moue quand elle a vu un journaliste avec son sac de tennis dans le vestiaire des joueuses. «Je pensais que ma journée était terminée et que j'allais me faire masser à l'hôtel!»

Malgré sa déception, la deuxième joueuse mondiale se prête volontiers au jeu. Elle prend donc sa raquette et monte dans le kart motorisé qui l'amène vers le terrain numéro 8, où elle affrontera le représentant de La Presse. En chemin, c'est une Jankovic souriante et pleine d'humour qui prépare déjà sa liste d'excuses en cas de défaite. «Je viens de finir de manger, dit-elle. J'ai l'estomac rempli. En plus, je me suis déjà entraînée ce matin...»

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Pourtant, son premier «adversaire» à la Coupe Rogers n'est pas très menaçant pour la deuxième joueuse mondiale, qui a un titre de la WTA et 1,6 millionUS en bourses à son actif cette année. Ancien top 30 junior - au Québec, s'entend -, il n'a pas gagné un tournoi de tennis depuis 1996. Quant aux bourses, il a peut-être accumulé quelques cordages au cours de sa brève carrière sur la scène québécoise, mais jamais d'argent sonnant.

Ce sera un match expéditif - dans tous les sens du terme. En plus d'être largement favorite, Jankovic est en retard sur son horaire de la journée. Elle a seulement 15 minutes à nous consacrer. Nous ne rouspétons pas trop fort, car c'est peut-être mieux ainsi...

Nous commençons notre réchauffement à mi-terrain, une tradition chez les pros qui est rarement observée parmi les joueurs du dimanche. Après quelques balles, Jankovic me juge apte à frapper du fond du terrain.

Les premiers échanges sont d'une cadence modérée. J'essaie d'augmenter le rythme. Mauvaise idée: la balle frappe le cadre de ma raquette avant d'être propulsée au-delà de la clôture. Un coup de circuit comme il y en a eu tant d'autres au parc Jarry...

Après quelques minutes de réchauffement, Jankovic gagne le tirage au sort. Elle «servira» la première partie, se contentant de mettre la balle en jeu. La Serbe aurait pu me faire goûter à sa médecine au service, mais elle ne s'est pas réchauffée et elle ne veut probablement risquer de se blesser.

La première partie est serrée. À 40-30, elle frappe un de ses rares coups droits avec autorité que je suis évidemment incapable de retourner. Jeu Jankovic.

Comme le temps presse, nous ne disputerons qu'un autre jeu, sur mon service cette fois-ci. Je ne veux pas tant remporter la partie que d'éviter de faire une série de doubles-fautes. Mission accomplie: je réussis toujours à mettre mon service en jeu. Je rate même de peu un as du côté égalité - la balle a touché la bande blanche du filet, mais Jankovic me confie qu'elle m'avait concédé le point. En échange, je réussis deux coups gagnants du revers. À 40-30 sur mon service, Jankovic envoie sa balle à l'extérieur après une dizaine de coups. Jeu La Presse.

Il faudra donc se contenter d'un match nul - probablement une première dans l'histoire du tennis professionnel. Rien à voir avec la dégelée de 6-0 subie par le représentant de La Presse l'an dernier aux mains de Dmitry Tursunov, 34e au monde et sans pitié pour les joueurs du dimanche. «Tu vois, je suis plus gentille que Dmitry, dit Jankovic en riant. En plus, ce sera bon pour ta confiance.»

Malgré son premier match nul en carrière, Jankovic ne semble nullement ébranlée - peut-être parce qu'au fond, elle n'a pas joué pour gagner. Elle a probablement préféré conserver ses énergies pour son premier vrai match du tournoi, qui sera disputé ce soir sur le court central du stade Uniprix. «Je joue contre une Canadienne, non?» me demande-t-elle.

Que les amateurs de tennis québécois qui souhaitent la victoire d'Aleksandra Wozniak contre Jankovic ne s'emballent pas trop vite. Je ne sais pas pourquoi, mais mon instinct me dit la nouvelle coqueluche du tennis québécois aura devant elle une adversaire beaucoup plus coriace...