Le président du CIO Jacques Rogge dit avoir obtenu des garanties de Pékin sur quatre dossiers sensibles -médias, travail des enfants, indemnisation des expropriés, environnement- grâce à sa «diplomatie silencieuse», dans une interview à l'AFP diffusée en quatre volets.

Trois mois après l'apogée de la crise tibétaine et le parcours chaotique de la torche olympique à travers la planète, moins de trois semaines avant l'ouverture des Jeux de Pékin, le patron du Comité international olympique revient sur la diplomatie discrète qu'il a alors menée avec la Chine.

Q: La question tibétaine n'est plus à la une de l'actualité. Craignez-vous pourtant que les opposants à la politique chinoise ne se manifestent juste avant l'ouverture, ou pendant les Jeux?

R: «Je pense qu'il y aura des discussions qui continueront dans les médias. Mais je crois aussi qu'au moment des Jeux, les performances des sportifs prendront la première place.»

Q: Avez-vous eu, après le parcours très mouvementé de la torche olympique au printemps, des discussions contradictoires ou un peu musclées avec les autorités chinoises?

R: «J'ai regretté les violences».

Q: Des violences, il y en a eu de la part des manifestants mais aussi de l'encadrement du BOCOG (comité d'organisation)...

R:«Je dis qu'il y a eu des violences contre la torche rien de plus. On a agressé la torche. Nous aurions aimé des manifestations paisibles.»

Q: Avez-vous parlé avec les autorités chinoises de la crise en général, de ses conséquences sur les Jeux mais également des événements eux-mêmes?

R: «Nous avons des discussions constantes avec les dirigeants chinois sur tout ce qui intéresse de près ou de loin les jeux Olympiques. Sur beaucoup de dossiers dont je ne peux pas faire le détail parce que ce sont des conversations privées. Nous discutons de tout ce qui intéresse les Jeux.»

Q: Avec trois mois de recul, considérez-vous toujours avoir eu la bonne attitude?

R: «On a demandé à cette occasion au CIO des choses qu'il n'est pas capable de faire. Le CIO n'est pas un organe souverain. La France est un état souverain, les états sont souverains. Pas nous. Nous avons traité avec les Chinois de manière très concrète dans plusieurs domaines qui ne touchent pas au domaine souverain du pays, parce que ceci n'est pas des compétences du CIO. Je ne peux que répéter ce que le président Sarkozy a dit devant le Parlement européen: +Il ne faut pas humilier la Chine+. C'est exactement notre attitude. Nous avons fait la seule diplomatie qui marche en Chine, la diplomatie silencieuse. Alors oui, on a été attaqués et j'aurais pu avoir une popularité instantanée en montant sur les barricades et en vitupérant. Mais je n'aurais rien obtenu.»

Q: Quels sont les domaines dans lesquels vous avez obtenu des garanties?

R: «Nous avons obtenu une nouvelle loi sur les médias qui n'est peut-être pas parfaite mais qui est une avancée remarquable pour la Chine. Pour la première fois, les médias étrangers pourront faire des reportages librement, les transmettre librement en Chine. Il n'y aura pas de censure sur internet, on pourra faire des interviews place Tian'anmen. Il y a des aspects que certains aimeraient voir aller plus loin. Nous poussons, mais il faut être objectif et dire que c'est une avancée. Le deuxième dossier est celui du travail des enfants. Nous nous sommes aperçus qu'il y avait des abus dans des usines fabriquant des mascottes et du matériel pour le BOCOG. Les Chinois ont très bien réagi. Ils ont arrêté les coupables et fait passer une nouvelle loi. Le troisième point a été d'obtenir une compensation correcte pour les gens expropriés en raison des constructions olympiques. Le quatrième, c'est la nouvelle législation pour la protection de l'environnement. Sur ces quatre points, nous avons obtenu satisfaction.

Q: Sur tous ces dossiers, vous avez des garanties pour la période olympique. Et après?

R: «Regardons d'abord comment cela fonctionne. Si des choses ne sont pas parfaites, nous ferons tout pour convaincre les Chinois d'y remédier. Mais nous avons reçu des assurances très fortes.»

Q: Vos contacts avec Pékin ont-ils été altérés par ce qui se passait, les manifestations anti-chinoises?

R: «A aucun moment»

Q: Le président Sarkozy a confirmé sa présence à la cérémonie d'ouverture. Est-ce le symbole de la fin de la crise sino-européenne, plus particulièrement franco-chinoise?

R: «Je n'ai pas de commentaire particulier à faire sur la présence du président Sarkozy si ce n'est que je m'en réjouis pour l'équipe de France. C'est une bonne chose pour les Jeux d'avoir un chef d'Etat. Il y en aura plus de 60 à Pékin, le double d'Athènes. C'est une bonne chose pour les Jeux.»

Propos recueillis par Françoise Chaptal